Exposer l’art roman en Catalogne entre 1900 et 1934 : présentations muséographiques et objectifs

par Immaculada Lorés Otzet

 

Immaculada Lorés Otzet est professeure d’histoire de l’art médiéval à l’université de Lleida et membre de l’Institut d’Estudis Catalans. Ses travaux de recherche et ses publications portent sur l’art roman, ainsi que sur la manière dont il a été reconnu, valorisé et exposé dans les musées aux XIXe et XXe siècles. Elle est l’auteure et la coauteure d’ouvrages monographiques consacrés à Sant Pere de Rodes (en 2002), à l’ancienne cathédrale de Lleida (en 2007) et à Sant Climent de Taüll (en 2022). Elle a également collaboré avec les principaux musées catalans d’art médiéval.

 

L’exposition de l’art roman dans les musées catalans débute entre la fin du XIXe siècle et les premières années du XXe siècle, avec la création des premiers musées diocésains à Vic, Lleida et Solsona, à l’initiative de leurs évêques, respectivement Josep Morgades en 1891, Josep Meseguer en 1893 et Ramon Riu i Cabanes en 1896. À cette liste, il faut ajouter le musée de la Ciutadella à Barcelone. Ce phénomène a donné son impulsion définitive à ce type d’institution où, dès le début, des œuvres d’époque romane ont été intégrées[1].

Après l’Exposition universelle de 1888 tenue à Barcelone, les bâtiments construits pour l’événement et laissés vacants ont été récupérés dès 1891 pour y installer le musée des Reproduccions, le Museu Municipal d’Arqueologia et le Museu d’Història. Ce n’est qu’en 1902, grâce à une situation politique plus favorable au sein du gouvernement municipal, que fut créé le Junta de Belles Arts i Museus Artístics de Barcelona[2]. Cette même année l’exposition d’Art ancien[3] était organisée et le Museu d’Arts Decoratives, créé dans l’ancien bâtiment de l’Arsenal de la Ciutadella, qui avait été transformé en palais royal lors de l’Exposition universelle (c’est actuellement le siège du Parlament de Catalunya)[4].

Au cours de ces premières années, les collections d’art roman ont continué à croître, tant dans les musées diocésains que dans celui de Barcelone, mais à des rythmes différents. Il est difficile de connaître la manière dont les œuvres y étaient exposées parce que la muséographie n’a laissé aucune trace dans la documentation. Bien qu’à cette époque les expositions soient encore rares, c’est à travers les photographies des salles que l’on apprécie les différences substantielles et bien perceptibles entre les approches d’exposition des musées diocésains et les nouvelles propositions qui commencent à se définir dans le musée barcelonais de la Ciutadella.

Le premier témoignage d’une exposition d’art roman remonte à l’année 1908, lorsque ce qu’on appelait alors le Museu d’Art Decoratiu i Arqueològic fut inauguré au Palau de la Ciutadella, après le réaménagement des collections motivé par la commémoration du septième centenaire de la naissance du roi Jacques Ier (dit le Conquérant, 1208-1276). L’exposition intégrait des objets en relation directe avec le roi, tout en abordant les époques antérieures et postérieures, d’après le rapport de la Junta de Museus rédigé par Josep Pijoan et Josep Puig i Cadafalch[5]. Outre quelques photographies conservées, Joaquim Folch i Torres, qui ne travaillait pas encore au musée à l’époque, a publié trois articles dans la presse apportant de précieuses informations. Ils contiennent même un plan avec la répartition des collections d’archéologie, d’‘art ancien’ (terme sous lequel on nommait alors l’art médiéval et de la Renaissance), de reproductions et d’arts décoratifs[6]. Les rares œuvres d’art roman étaient alors placées dans la salle dite Jacques Ier et dans une autre qui lui était adjacente. Dans la première, se trouvait le baldaquin de Tavèrnoles et trois devants d’autel (ceux de Mossoll, d’Avià et de Planés), en plus des reproductions de peintures murales romanes déjà réalisées en 1907 et 1908[7], tandis que le baldaquin d’Estamariu était exposé dans la salle voisine.

D’un point de vue muséographique, il est intéressant de relever deux aspects. En premier lieu, la manière dont ont été disposés les baldaquins permet de constater une préoccupation précoce pour rendre compréhensible au visiteur la fonction originale des œuvres, lesquelles, dans le musée, étaient décontextualisées. Le baldaquin de Tavèrnoles, qui, primitivement, reposait sur des poutres au-dessus d’un autel, n’a pas été suspendu sur un mur quelconque, mais placé au-dessus d’une des portes de la salle de manière inclinée rappelant ainsi sa disposition d’origine[8]. Dans l’autre salle, le baldaquin d’Estamariu a été installé sur quatre colonnes, résultat d’une restauration ; au-dessous se trouvait un volume parallélépipédique évoquant un autel, devant lequel était placée une reproduction de l’antependium de Sant Cugat (aujourd’hui au Museo Civico d’Arte de Turin). Sur l’“autel”, était présentée la croix de la Majesté du Christ d’Organyà (Fig. 1)[9]. Ce pari muséographique rassemblant quelques œuvres de manière à en créer le contexte était tout à fait innovant, ne passant pas inaperçu aux yeux de Folch i Torres, qui évoquait « le très intéressant autel ciel d’Estamariu, reconstruit avec soin dans les moindres détails et assemblé tel qu’il était dans son emplacement primitif[10] ». Il s’agit ici d’une solution muséographique qui, ni plus ni moins, est le germe de ce qui vint par la suite, en 1924, avec l’intégration et l’exposition des peintures murales romanes des Pyrénées dans le musée. La personne qui eut l’idée de cette première solution dans la présentation des baldaquins, notamment celui d’Estamariu, était probablement Raimon Casellas, membre de la Junta de Museus, responsable de la nouvelle installation de la section d’art ancien. Son engagement allait encore plus loin car les œuvres étaient accompagnées d’un texte informatif également rédigé par lui[11].

Cette exposition avait pour autre caractéristique de réunir des œuvres originales et des reproductions. Il faut rappeler que ces dernières faisaient partie des collections de nombreux musées et que Barcelone possédait également un Museu de Reproduccions. D’abord conservées au Palau de la Indústria, à partir de 1902 les pièces de ce dernier furent transférées au Palau de la Ciutadella où elles complétaient les collections d’œuvres d’art originales (Fig. 2)[12]. En ce qui concerne les reproductions de peintures murales, elles entraient dans le musée où elles étaient accrochées auprès des œuvres romanes au fur et à mesure que leur commande était honorée. Elles rejoignaient, de la sorte, les autres pièces originales et reproduites dans la présentation muséographique. C’est ainsi que le volume de l’autel avait été évoqué avec une copie de l’antependium de Sant Cugat plaqué sur la face avant. Ce type d’astuce faisait aussi partie des caractéristiques d’une muséographie innovante qui s’est développée à l’occasion des rénovations ultérieures du musée.

En 1915, l’inauguration de l’agrandissement et du réaménagement du bâtiment de la Ciutadella est aussi, bien sûr, celle d’une nouvelle disposition des collections et de la muséographie. L’ajout de deux ailes latérales a considérablement augmenté l’espace disponible[13]. Dans la nouvelle exposition permanente, l’art roman était situé au rez-de-chaussée, à l’angle ouest de l’aile sud, dans une salle relativement petite au fond de la galerie d’art gothique et de la Renaissance. Le plan du bâtiment agrandi n’apporte pas d’informations sur la nouvelle répartition des collections mais, au fond de la salle dont il est question, les deux baldaquins y apparaissent dessinés, placés dans les angles en formant une oblique[14]. Un petit guide, présentant une répartition très synthétique des collections, s’accompagne aussi d’un plan[15]. Les photographies permettent, quant à elles, une connaissance assez détaillée de ce qu’était alors l’exposition d’art roman : à droite du visiteur s’élevait le baldaquin d’Estamariu avec l’antependium de Tavèrnoles, tandis qu’à gauche le baldaquin de Tavèrnoles était suspendu à des poutres transversales au-dessus du bloc qui simulait l’autel, contre lequel prenait appui l’antependium en stuc d’Esterri de Cardós. De nombreux autres devants d’autel, sculptures en pierre et en bois étaient exposés dans la salle, en plus des reproductions de peintures murales, déjà nombreuses à l’époque (Fig. 3 et 4)[16].

Si l’approche muséographique consistant à mettre en scène le contexte d’un autel pour chacun des deux baldaquins est restée la même, une étape supplémentaire avait été toutefois franchie. En effet, l’espace de l’abside avait été recréé avec des moyens très simples : une paroi semi-circulaire d’une certaine hauteur, recouverte du même tissu que les murs de la salle, entourait le baldaquin et le reste des pièces qui composaient le contexte de l’autel. L’espace étant plutôt étroit et par manque de place, plusieurs devants d’autel qui faisaient déjà partie de la collection ont été accrochés à ces murs hémicirculaires. Cette simulation d’un chœur avec son mobilier liturgique n’est pas un détail mineur car, d’une certaine manière, elle anticipait, même si à cette époque on ne pouvait pas le prévoir, la muséographie des peintures murales romanes qui naquit cinq ans plus tard.

Dans ces mêmes années et dans le cas des musées diocésains, où ce sont principalement les photographies qui permettent de connaître les principales caractéristiques de la muséographie, on ne rencontre aucun témoignage d’une solution similaire pour exposer des œuvres romanes en recréant de tels contextes. Le musée épiscopal le plus connu de ce point de vue est celui de Vic, où était conservée à cette époque une collection d’art roman aussi importante voire plus que celle du musée barcelonais. Dans le Mémoire de Josep Gudiol i Cunill de 1916, certaines lignes relatives à la muséographie sont explicitées. D’une part, Gudiol précise que, l’espace disponible étant très limité, cela conditionne la manière dont les œuvres sont installées ; si cela n’avait pas été le cas, dit-il, et si plus d’espace et de moyens avaient été vacants, un agencement différent aurait pu être réalisé. Il préconise cependant une exposition des œuvres en séries constituées d’objets de même type, avec une distribution chronologique, afin de pouvoir montrer « l’évolution des formes et du décor […] de chaque classe d’objets » rapprochant cette option d’un « effet pittoresque des installations »[17], sans plus de précision. Il faut penser que cette expression, rappelons-le, a été émise un an après l’inauguration de l’exposition rénovée au Palau de la Ciutadella. Il faisait référence à l’exposition collective d’œuvres de natures et de typologies différentes dont l’objectif était de recréer des contextes ou des environnements, comme on pouvait le voir au musée de Barcelone, avec les ensembles de baldaquins.

Au Museu Episcopal de Vic, l’exposition des œuvres romanes mises en contexte afin de rendre compréhensible leur fonction liturgique a été timidement ébauchée lors des rénovations entreprises par Eduard Junyent, quand il prit en charge le musée à la suite du décès de Josep Gudiol i Cunill († 1931) qui l’administrait jusque-là. L’inauguration de la nouvelle présentation eut lieu en 1934[18]. Toutefois, les principaux axes d’organisation des œuvres restaient typologiques et chronologiques et les devants d’autel y étaient accrochés comme s’il s’agissait de tableaux.

Ce n’est pas avant la nouvelle réforme du musée, aussi dirigée par Junyent et déjà projetée dans l’après-guerre, au cours des années 1941-1942, qu’une muséographie contextualisant les œuvres a été nettement définie pour faciliter une « une meilleure compréhension de l’objet par sa fonctionnalité, comme cela se fait dans les sections romanes avec les peintures murales des absides, les antependia et les baldaquins ainsi qu’avec certains groupes de sculptures[19] ».

Le regroupement d’œuvres de différents types reconstituant des ambiances ou des mises en contexte s’inscrivait déjà dans une longue tradition du XIXe siècle et, surtout, des premières décennies du XXe siècle, sans oublier un premier essai au musée des Monuments français d’Alexandre Lenoir[20].  La recréation d’atmosphères intérieures, aussi connue avec des “period rooms”, où les œuvres sont montrées comme des éléments d’un environnement, se développe tant en Europe qu’aux États-Unis[21].  L’exposition de Turin de 1884 en est également un bon exemple[22]. Dans le domaine de l’ethnologie, il convient de prendre en compte les premiers musées à ciel ouvert des pays nordiques ou les reconstitutions du musée ethnographique du Trocadéro[23]. Ces nouvelles tendances d’exposition ont eu un impact sur celles présentant du mobilier : à Madrid en 1912, où les meubles étaient installés avec des tapisseries qui décoraient les salles[24], ou l’Exposition internationale de Barcelone de 1923 consacrée au mobilier et à la décoration d’intérieur, avec sept dioramas qui reproduisaient l’intérieur d’espaces réels de différents moments historiques, depuis les âges romans jusqu’au Romantisme, avec des meubles originaux[25]. Les musées d’art commencèrent également à exposer des œuvres réunies non seulement par type mais aussi par époque. Ainsi, peinture, sculpture, objets et mobiliers ont été associés au sein d’une même ambiance afin de révéler le contexte artistique de chaque période de manière plus enrichie et compréhensible. Parallèlement, on s’efforçait souvent d’adapter le décor des salles à chacune des époques. Le pionnier en la matière fut le nouveau Kaiser Friedrich Museum de Berlin (aujourd’hui Bodemuseum), ouvert en 1904, avec une muséographie élaborée par Wilhelm von Bode, qui avait déjà réalisé un premier essai à l’Altes Museum[26].

Au musée de Barcelone, cette option muséographique pour exposer l’art roman, qui a débuté en 1908 au Museu d’Art Decoratiu i Arqueològic de l’époque et qui a été renforcée lors de la rénovation de 1915, est celle qui, à notre avis, permet d’expliquer la nouvelle réforme du Museu de la Ciutadella de Barcelone, rendue nécessaire par l’acquisition des peintures romanes pyrénéennes, qui ont été déposées entre 1919 et 1923[27].  L’arrivée de ces œuvres a été le début d’une nouvelle étape pour le musée, dans lequel la collection romane allait gagner un rôle qu’elle n’avait pas jusque-là, tant du point de vue qualitatif que quantitatif. Dans cette installation inédite, qui a ouvert ses portes en 1924, l’art roman jusque-là relégué dans une petite pièce de l’ange sud-ouest du bâtiment s’est déployé de manière à occuper toute l’aile nord, où, jusque-là, était déployée la collection d’art contemporain qui a été transférée au palais des Beaux-arts[28].

Le défi le plus important a dû être précisément de trouver un moyen d’exposer les peintures murales car, après avoir été arrachées par le procédé du “strappo”, leur nature a changé, passant du statut de partie intégrante de la structure de l’église comme “peau” de l’architecture, à celui d’œuvres d’art transportables et, bien sûr, commercialisables. Après la première dépose des peintures de Santa Maria de Mur, impulsée par des antiquaires et pour laquelle des artisans de Bergame ont été embauchés (Franco Steffanoni et ses assistants Arturo Cividini et Arturo Dalmati), le Junta de Museus de Barcelona a acheté le restant des ensembles peints du diocèse d’Urgell, devenant le commanditaire de toutes les autres déposes dans la perspective d’agrandir notablement la collection d’art roman du musée. La dépose par “strappo” nécessitait non seulement un entoilage au dos de la couche picturale mais aussi son installation sur un support rigide[29]. Jusqu’alors, les déposes des peintures réalisées par les artisans de Bergame étaient rentoilées puis disposées sur des supports qui faisaient office de structures permettant de les suspendre comme si c’était des tableaux. Dans la nouvelle présentation du musée, plusieurs fragments de peintures murales ont été installés de cette manière en les accrochant aux murs. Cependant, pour leur grande majorité, une autre solution ingénieuse et sans doute pionnière a été imaginée, en les posant sur des supports qui reproduisaient les dimensions exactes de la construction dont elles étaient issues, à savoir celles des absides. D’un point de vue muséographique, c’était une solution inédite et très novatrice. Pour être arrachées les peintures devaient être nécessairement découpées en plusieurs morceaux et aplaties. Grâce à leur installation sur les nouveaux supports conformes aux originaux, on recomposait à neuf la totalité des ensembles tels qu’ils avaient été conservés jusqu’à leur dépose. Par la restitution de leur espace primitif au sein du musée, la présentation des ensembles picturaux s’accordait aux monuments dont ils avaient été jusque-là le décor, tandis que les petites églises pyrénéennes “entraient” dans le musée à travers la reproduction de leur architecture et que le musée se monumentalisait[30]. En plus des absides, d’autres fragments picturaux ont également été exposés dans ce but, comme le décor extérieur de l’entrée de l’église Sant Joan de Boí, justement installé autour d’une porte séparant deux salles ; les peintures de la nef de Santa Maria de Taüll, disposées le long d’un mur qui s’achevait sur un angle, figurant le revers de la façade de l’église ; ou encore les peintures de Sant Climent de Taüll stratégiquement disposées pour refléter leur emplacement primitif (Fig. 5). Il fallait que les œuvres exposées, extraites de leur environnement et de leur fonction d’origine, soient compréhensibles pour le visiteur, dans la même veine de ce qui avait été fait en 1908 et 1915 avec les baldaquins.

La réalisation de restitutions d’absides en tant que supports de peintures murales a dû être conçue au musée, possiblement sur les conseils de Franco Steffanoni. Si la dépose des ensembles picturaux débuta fin 1919, en juin 1920 la décision était déjà prise comme le laisse supposer l’expédition dans les différentes églises pyrénéennes du directeur, du photographe du musée, Joan Vidal i Ventosa, et de l’architecte Josep de F. Ràfols, du service de Conservation des Monuments de la Mancomunitat de Catalogne. En 1921, une première abside était commandée à titre d’essai[31]. Le nouveau projet était dirigé et coordonné par Joaquim Folch i Torres, alors directeur des Museus d’Art et d’Archéologie. Il a été inauguré en 1924 en pleine dictature de Primo de Rivera. Folch i Torres est allé jusqu’à préparer un guide du musée qui fut inévitablement publié en espagnol en 1926, l’année même où il fut démis de ses fonctions. Il s’agit d’un ouvrage remarquable qui complétait une muséographie innovante, soucieux de la rendre compréhensible au visiteur, avec un chapitre expliquant la dépose des peintures murales romanes[32].

Le musée a été transféré au Palau Nacional de Montjuïc, un bâtiment construit pour l’Exposition internationale de 1929 (siège actuel du Museu Nacional d’Art de Catalunya).

Dirigé à nouveau par Folch i Torres, réintégré dans ses fonctions en 1930, le nouveau Museu d’Art de Catalunya fut inauguré en 1934. L’espace disponible était beaucoup plus grand et des travaux préliminaires pour s’adapter aux collections furent réalisés, avec des mesures de sécurité et un éclairage zénithal modernes.

Pour ce qui est de la présentation des œuvres romanes, les grandes lignes n’ont pas changé, même si des nouveautés destinées aux visiteurs ont été introduites sous la forme d’éléments d’information : d’une part, plusieurs cartes peintes dans une des salles situaient l’emplacement des églises d’où provenaient les œuvres peintes, qu’elles soient murales ou sur panneaux de bois ; d’autre part, dans chaque salle, des pupitres avaient été installés proposant des textes explicatifs sur chacune des œuvres exposées, en plus des informations graphiques et textuelles sur l’église d’où elles provenaient (Fig. 6)[33].

Il s’agit de l’exposition qui a duré jusqu’à la guerre civile d’Espagne et qui a été restaurée après le conflit. Dans le réaménagement postérieur, de 1973, dirigé par Joan Ainaud de Lasarte, les principes établis au début du siècle ont été poursuivis, tout en étendant la recréation des espaces ecclésiaux à divers ensembles, comme celui de Sant Climent de Taüll (Fig. 7).

Notes

* Toutes les URL ont été consultées en juillet 2025.

[1] À propos des débuts des musées diocésains et de la formation de leurs collections, voir les travaux rassemblés dans les actes de la 2a Jornada Museu i Patrimoni de l’Església a Catalunya, accompagnés d’une bibliographie actualisée. En particulier : Sureda Jubany M., « Com creix una col·lecció episcopal: els primers deu anys de vida del Museu Episcopal de Vic (1889-1900) », Velasco González A., Sureda Jubany M. (éd.), La formació de col·leccions diocesanes a Catalunya, actes de la 2a Jornada Museu i Patrimoni de l’Església a Catalunya (Lleida, Vic, 2014), Lleida, Museu de Lleida: diocesà i comarcal ; Edicions de la Universitat de Lleida, 2017, p. 89-114 ; Berlabé C., « In principio… Gènesi del Museo Arqueológico del Seminario de Lleida », Ibid., p. 27-51 ; Garganté Llanes M., « Els primers anys del Museu Diocesà de Solsona: del bisbe Riu a Joan Serra i Vilaró », ibid., p. 53-76.

[2] À partir de 1907 la Diputació de Barcelona y fut intégrée et est devenue la Junta de Museus de Barcelona.

[3] Bassegoda B., Visitar les arts del passat. Les exposicions retrospectives d’art a Catalunya, València i Mallorca entre el 1867 i el 1937, Bellaterra, Servei de publicacions de la Universitat Autònoma de Barcelona, p. 97-104.

[4] Sur l’histoire des musées de Barcelone, entre les premières années après l’exposition universelle et la guerre civile d’Espagne, voir Garcia Sastre A., Els museus de Barcelona: antecedents, gènesi i desenvolupament fins al 1915, Barcelone, Museu Nacional d’Art de Catalunya, 1997 ; March i Roig E., Els museus d’Art i Arqueologia de Barcelona durant la Dictadura de Primo de Rivera fins a la proclamació de l’Estat Català (1923-1934). La consolidació d’un model museogràfic, thèse de doctorat sous la dir. de Joan Sureda, Universitat de Barcelona, 2006, 2 vol. (une bonne partie de la thèse a été publiée, bien que la période historique précédente soit très résumée : March i Roig E., Els museus d’Art i Arqueologia de Barcelona durant la Dictadura de Primo de Rivera (1923-1930), Barcelone, Publicacions de l’Abadia de Montserrat, 2011).

[5] Arxiu Nacional de Catalunya, Arxiu de la Junta de Museus, 1-715-T-1957.

[6] Folch i Torres J., « Inauguració de les sales principals del Museu », La Veu de Catalunya, 28 (ed. vespre) et 29 de maig, 1908 ; Idem, « El nostre Museu », La Veu de Catalunya, 30 de maig, 1908.

[7] La Junta de Museus a été chargée de la reproduction des peintures murales pyrénéennes de 1907 à 1919 pour illustrer sous la forme de fascicules leur publication sur Les pintures murals catalanes, éditée par l’Institut d’Estudis Catalans (Guardia M., Camps J., Lorés I., La descoberta de la pintura mural romànica catalana. La col·lecció de reproduccions del MNAC, Barcelone, Museu Nacional d’Art de Catalunya ; Madrid, Electa, 1993).

[8] Le baldaquin de Tavèrnoles suspendu au-dessus d’une des portes de la salle Jacques Ier peut se voir sur une des photographies qui a servi à l’édition de cartes postales (Fundació Institut Amatller d’Art Hispànic – Arxiu Mas, n° 892 Se E ; voir aussi n° 894 Se E, autre photographie de la même salle).

[9] Arxiu Fotogràfic de Barcelona, arxiu fotogràfic de museus, cliché n° 51827. On peut aussi le voir sur une photographie de 1910 qui a servi à l’édition de cartes postales (Fundació Institut Amatller d’Art Hispànic – Arxiu Mas, cliché n° 4762 Se E). Après quelques années, alors que l’exposition sur Jacques Ier était déjà démontée, le baldaquin d’Estamariu a été déplacé au centre de la salle, comme on peut le voir sur une photographie de 1913 (Fundació Institut Amatller d’Art Hispànic – Arxiu Mas, cliché n° 9475 Se E).

[10] Folch i Torres J., « El nostre Museu », La Veu de Catalunya, 30 de maig, 1908 : « […] l’interessantíssim altar cobert d’Estamariu, reconstruït amb cura dels detalls més minuciosos, i muntat en la forma que ho estava en el seu lloc primitiu ».

[11] Casellas R., Catálogo descriptivo de las secciones de pintura románica y gótica del Museu de Arte y Arqueología de Barcelona, formado por el acoplamiento de 38 leyendas destinadas a los más importantes de los ejemplares expuestos, Barcelone, [1908], Museu Nacional d’Art de Catalunya, Biblioteca Joaquim Folch i Torres, dépôt, Manuscrit n° 1. Sur Raimon Casellas et ses responsabilités en matière de muséographie de la section d’Art ancien : Garcia Sastre A., Els museus de Barcelona: antecedents, gènesi i desenvolupament fins al 1915, Barcelone, Museu Nacional d’Art de Catalunya, 1997, p. 562 et 567-568.

[12] Il faut se rappeler l’importance qu’eurent les musées et les collections de reproductions partout en Europe entre les dernières décennies du XIXe siècle et les premières du XXe siècle. Comme exemple nous pouvons mentionner le musée parisien de Sculpture comparée, qui devint par la suite le musée des Monuments français, avec la collection de moulages de sculpture médiévale, à laquelle il faut ajouter, à partir de 1937, les reproductions à échelle 1/1 de peintures murales romanes (Dulau R., « Paul Deschamps et la création du “musée de la Fresque” ou “département des Primitifs français” au musée des Monuments français », Le dévoilement de la couleur. Relevés et copies de peintures murales du Moyen Âge et de la Renaissance, cat. exp., Paris, Conciergerie, 2004, p. 63-83) ; les Casts Courts du Victoria and Albert Museum (Patterson A., Trusted M. (éd.), The Cast Courts, Londres, V&A Publishing, 2018) ; ou les musées de moulages liés aux universités, parmi lesquels le musée d’Archéologie classique de l’université de Cambridge (Payne E.M., « Casting a new Canon: Collecting and treting casts of Greek an Roman Sculpture, 1850-1939 », The Cambridge Classical Journal, vol. 65, 2019, p. 113-149) ou celui de La Sapienza, à Rome (« Storia Gipspteca [sic] », https://polomuseale.web.uniroma1.it/sites/default/files/allegati/Storia%20Gipspteca.pdf.

[13] Les travaux ont débuté en 1904, mais ils avancèrent lentement (Garcia Sastre A., Els museus de Barcelona: antecedents, gènesi i desenvolupament fins al 1915, Barcelone, Museu Nacional d’Art de Catalunya, 1997, p. 583-591).

[14] Conservé parmi la documentation de Josep Goday à l’Arxiu Històric del COAC (Barcelona, Arxiu Històric del Col·legi Oficial d’Arquitectes de Catalunya, H 117B/9/1.12).

[15] Museus d’Art i d’Arqueologia de Barcelona. Guia Sumària, Barcelone, Junta Tecnica de Exposiciones i Museus, 1915.

[16] C’est encore à travers des photographies que l’on peut connaître les caractéristiques de l’exposition de la nouvelle salle d’art roman : Arxiu Mas (Fundació Institut Amatller d’Art Hispànic – Arxiu Mas, clichés n° 16457 Se E et 16458 Se C, datés de 1917 ; cliché n° 36715 Se C, daté de 1921) ; et l’Arxiu Fotogràfic de Museus (Arxiu Fotogràfic de Barcelona, clichés n° 24.650 et 51.844).

[17] Le rapport a remporté le prix du premier concours des musées porté par l’Institut d’Estudis Catalans (Gudiol i Cunill J., El Museu Arqueològich-Artístic Episcopal de Vich. Historial y organisació. Memòria, escrita en desembre de 1916, obtant al Premi de 1.500 pseetes, en el Primer Concurs de Museus, organisat pel “Institut d’Estudis Catalans”, al Museu Episcopal de Vich concedit, Vic, Tipografia Balmesiana, 1918, p. 57-67).

[18] Le transfert de la Biblioteca Episcopal permit de gagner en surface d’exposition (Gros i Pujol M. dels S., « El Dr. Eduard Junyent i el Museu Episcopal », Ausa, vol. 8, n° 91-92, 1979, p. 387-390). Voir aussi Trullén J. M., « Història del Museu i de les col·leccions », Museu Episcopal de Vic. Guia de les col·leccions, Vic, Museu Episcopal de Vic, 2003, p. 11-12 ; Trullén J. M., « Museu Episcopal de Vic », Ausa, vol. 21, 2004, p. 269-282. Plusieurs photographies des salles du Museu Episcopal de Vic sont publiées dans les articles de Trullén.

[19] Texte du projet, présenté et analysé dans l’étude sur Eduard Junyent, comme muséologue. Voir, Sureda i Jubany M., « Eduard Junyent, museòleg », Ordeig R., Tió P., Ollich I., Mirambell M., Sureda M., Eduard Junyent i Subirà (Vic, 1901-1978), Vic, Patronat d’Estudis Osonencs, 2020, p. 139-173, plus particulièrement p. 158 : traduction en catalan : millor comprensió de l’objete per raó de la seva funcionalitat, com succeeix en les seccions romàniques amb les pintures murals dels absis, els frontals d’altars y els baldaquins i amb certs grups i imatges exemptes) ; traduction en castillan « […] que facilite la mayor comprensión del objeto en razón de su funcionalidad, como sucede en las secciones románicas con las pinturas murales de los ábsides, los antependios de altares y los baldaquinos y con ciertos grupos e imágenes de bulto ».

[20] Glicenstein J., L’art : une histoire d’expositions, Paris, Presses Universitaires de France, 2009, p. 18-29.

[21] Pilgrim D. H., « Inherited from the Past: The American Period Room », The American Art Journal, vol. 10, n° 1, 1978, p. 4-23 ; Period Room Architecture in the American Art Museums. Winterthur Portfolio, vol. 46, n° 2/3, 2012.

[22] Boccalate P. E., « La sezione di storia dell’arte all’Esposizione di Torino di 1884 », Castelnuovo E. Monciatti A. (éd.), Medioevo / Medioevi. Un secolo di esposizioni d’arte medievale, atti dell’incontro (Pisa, 15-16 ottobre 2004), Pise, Edizione della Normale, 2008, p. 31-59.

[23] Bouiller J.-R., Calafat M.-C., « Dioramas ethnographiques et unités écologiques : la mise en scène de la vie quotidienne au musée d’Ethnographie du Trocadéro et au musée national des Arts et Traditions populaires », Culture & Musées, n° 32, 2018, p. 131-158, également en ligne : https://journals.openedition.org/culturemusees/2473 (consulté en juillet 2025).

[24] Castillo Álvarez S., « Las exposiciones monográficas de mobiliario en España (1912-2013) », Res Mobilis: Revista internacional de investigación en mobiliario y objetos decorativos, vol. 5, n° 6 (II), 2016, p. 390-406, également en ligne : https://reunido.uniovi.es/index.php/RM/issue/view/883.

[25] Bassegoda B., Visitar les arts del passat. Les exposicions retrospectives d’art a Catalunya, València i Mallorca entre el 1867 i el 1937, Bellaterra, Servei de publicacions de la Universitat Autònoma de Barcelona, 2022, p. 149-155.

[26] Baker M., « Bode and Museum Display: The Arrangement of the Kaiser-Friedrich-Museum and the South Kensington Response », Jahrbuch der Berliner Museen. Bd. 38 : Kolloquium zum 150sten Geburtstag von Wilhelm von Bode, 1996, p. 143-153.

[27] Sur l’acquisition, la dépose et l’entrée au musée des peintures murales romanes, voir l’histoire détaillée dans Guardia M., Lorés I., El Pirineu romànic vist per Josep Gudiol i Emili Gandia, Tremp, Garsineu edicions, 2013 p. 115-217.

[28] March i Roig E., Els museus d’Art i Arqueologia de Barcelona durant la Dictadura de Primo de Rivera fins a la proclamació de l’Estat Català (1923-1934). La consolidació d’un model museogràfic, thèse de doctorat sous la dir. de Joan Sureda, Universitat de Barcelona, 2006, vol. 1, p. 110 et suivantes.

[29] Sur la technique du “strappo” pour déposer les peintures murales : Giannini C., « “Dalt d’una mula”. Franco Steffanoni, restaurador a Catalunya. Història d’una tècnica de restauració inventada a Bèrgam i exportada a Europa », Butlletí del Museu Nacional d’Art de Catalunya, vol. 10, 2009, p. 13-33.

[30] Il ne faut pas oublier, d’un côté, que le musée possédait déjà des reproductions d’architectures et de sculptures de portions de galeries de cloîtres romans (voir Fig. 2) et, d’autre part, que le premier musée des Cloisters de George Grey Barnard fonctionnait déjà, où la reconstruction et la reproduction d’architectures pour exposer les œuvres était à la base de la muséographie qui, par la suite, a été reprise dans le nouveau musée des Cloisters (Leuchak M. R., « “The Old World for the New”: Developing the Design for The Cloisters », Metropolitan Museum Journal, vol. 23, 1988, p. 257-277).

[31] Guardia M., Lorés I., El Pirineu romànic vist per Josep Gudiol i Emili Gandia, Tremp, Garsineu edicions, 2013, p. 115-217.

[32] Folch i Torres J., Museo de la Ciudadela. Catálogo de la sección de arte románico. Barcelone, Junta de Museus de Barcelona, 1926. Un nouveau catalogue englobant la totalité du musée a été publié en 1930, avec un plan qui n’apparaissait pas dans l’édition de 1926 (Museo de Arte Decorativo y Arqueológico. Guía-catálogo, Barcelone, Junta de Museus de Barcelona, 1930).

[33] Cela a été étudié dans Guardia M., Lorés I., El Pirineu romànic vist per Josep Gudiol i Emili Gandia, Tremp, Garsineu edicions, 2013, p. 208-217.

Pour citer cet article : Immaculada Lorés i Otzet, "Exposer l’art roman en Catalogne entre 1900 et 1934 : présentations muséographiques et objectifs", exPosition, 4 novembre 2025, https://www.revue-exposition.com/index.php/articles11/exposer-lart-roman-en-catalogne-entre-1900-et-1934-presentations-museographiques-et-objectifs/%20. Consulté le 5 novembre 2025.