La mise en visibilité de la collection Dakis Joannou : un enjeu pour l’écriture de l’histoire de l’art contemporain globalisé

par Morgan Labar

 

Morgan Labar est historien de l’art, critique (AICA-France) et enseignant. Depuis plusieurs années, il s’intéresse à la manière dont les catégories esthétiques, les canons et les discours hégémoniques sont construits au sein des mondes de l’art contemporain. Ancien boursier postdoctoral de la Terra Foundation for American Art à l’INHA, il est membre associé du laboratoire de recherche-création SACRe (EA 7410, Université PSL) et de l’unité mixte de recherche THALIM (UMR 7172, ENS – Sorbonne Nouvelle – CNRS). L’ouvrage issu de sa thèse, La Gloire de la bêtise. Régression et superficialité dans les arts depuis la fin des années 1980, paraîtra en 2023 aux éditions Les presses du réel. Morgan Labar est actuellement directeur de l’École supérieure d’art d’Avignon. Il enseigne à l’École du Louvre et à l’École normale supérieure, où il anime le séminaire « Autochtonie, hybridité, anthropophagie ». —

 

Les plus importants collectionneurs d’art contemporain, parfois dits « mégacollectionneurs » – la sociologue de l’art Raymonde Moulin recourt à ce vocable nord-américain à partir du milieu des années 1990[1] –, ouvrent désormais des musées privés à leurs noms. Les œuvres qui y sont présentées ont, dès leur achat, une destination muséale. Parmi les plus importants collectionneurs des premières décennies du XXIe siècle, le Grec Dakis Joannou (né à Chypre en 1939) occupe une place singulière. Promoteur immobilier et industriel, héritier du géant de la construction Joannou & Paraskevaides, entreprise plus connue sous le nom de J&P fondée par son père Stelios Joannou et qu’il a considérablement diversifiée et fait fructifier, Dakis Joannou est depuis les années 1980 à la tête d’un empire de plusieurs compagnies dans les secteurs de l’hôtellerie, du bâtiment, de l’ingénierie, de l’aviation et de l’immobilier. Collectionneur de premier plan, il siège dans les conseils d’administration des plus grands musées d’art moderne et contemporain du monde anglo-saxon[2], comme d’ailleurs la plupart des autres collectionneurs prescripteurs.

En 1983, Dakis Joannou fonde à Genève la DESTE Foundation for Contemporary Art, une organisation à but non lucratif destinée à promouvoir l’art contemporain, dont le nom provient du terme grec signifiant regarder. Plusieurs périodes se distinguent dans l’évolution de la DESTE. La première période court de 1983 à 1988 : les projets d’exposition ne sont pas en lien avec la collection personnelle de Dakis Joannou. La fondation n’a pas de lieu d’exposition permanent et une grande partie des expositions a alors lieu à Genève. La seconde période s’étend de 1988 à 1996 : désormais, Dakis Joannou fait appel aux services de Jeffrey Deitch, marchand d’art, commissaire d’exposition et conseiller artistique particulièrement en vue, pour élaborer plusieurs expositions à partir d’œuvres de la collection. Joannou commence à s’imposer comme un collectionneur et un acteur du monde de l’art contemporain de premier plan. L’exposition Everything That’s Interesting Is New inaugure en 1996 une troisième période : celle des expositions consacrées exclusivement à la collection de Dakis Joannou, dans un lieu dédié à Athènes.

Il importe de souligner que la DESTE est une entité distincte de la collection personnelle de Dakis Joannou, même si les deux ont tendance à se confondre. Fondation autonome dont Joannou est le président, la DESTE est devenue l’instrument de promotion et de diffusion de la collection Joannou.

Dans les années 1980, des articles de magazines spécialisés témoignaient d’une collection à échelle humaine et dont les œuvres saturaient la maison du collectionneur. Le commissaire des expositions de la DESTE à cette période, Jeffrey Deitch, affirmait alors que Joannou et lui ne « cherche[aient] pas à prendre du recul, à [se] poser en musée[3] ». Cependant, force est de constater que se développa à partir du milieu des années 1990 une ambition muséale, alors que le collectionneur devenait l’une des figures les plus influentes du monde de l’art contemporain globalisé, jusqu’à être classé numéro 6 dans la Power 100 List d’ArtReview en 2004, liste établie chaque année depuis 2002 par le magazine londonien.

Par la suite, la collection Dakis Joannou a été présentée dans les plus importants musées d’art contemporain du monde, sans avoir besoin de passer par la DESTE : au Palais de Tokyo à Paris en 2005 (Translation), au Museum Moderner Kunst Stiftung Ludwig Wien (MUMOK) et à la Kunsthalle de Vienne en 2007 (Traum und Trauma), au New Museum de New York en 2011 (Skin Fruits. Selections from the Dakis Joannou Collection). Se pose alors la question des collusions entre les intérêts du collectionneur (prestige, mais aussi valeur financière de sa collection) et ceux des institutions qui présentent – et par là-même, légitiment – sa collection.

Cet article s’appuie sur des documents consultés aux archives de la DESTE Foundation à Athènes en 2015[4]. Il retrace les étapes de la présentation publique de la collection Dakis Joannou et de sa médiatisation croissante dans le monde l’art contemporain occidental, analysant l’évolution des stratégies adoptées dans la mise en valeur de la collection et son rôle dans la promotion des artistes qui y sont représentés. Au regard de l’histoire croisée du collectionnisme et de l’art contemporain des quatre dernières décennies, Dakis Joannou fait figure de pionnier. Il a contribué à imposer une esthétique essentiellement nord-américaine, portée sur la régression, la violence et la bêtise délibérée, dans le monde de l’art globalisé avant que des figures comme Eli Broad ou François Pinault n’occupent le devant de la scène en favorisant ce même type d’esthétique[5].

Premières monstrations (1988 – 1996)

En 1988, l’exposition Cultural Geometry impose Dakis Joannou comme un collectionneur de premier plan. Elle a lieu à la Maison de Chypre à Athènes et place temporairement la capitale grecque au centre du monde de l’art occidental[6]. Le commissaire Jeffrey Deitch a rassemblé les jeunes artistes états-uniens de la tendance Neo-Geo parmi les plus médiatiques de l’époque (Jeff Koons, Ashley Bickerton, Peter Halley et Meyer Vaisman) depuis que la galeriste Ileana Sonnabend les a présentés dans sa galerie de SoHo à New York en 1986. La scénographie de l’exposition est confiée à l’artiste Haim Steinbach. Dans le parcours de l’exposition sont associées des céramiques grecques et chypriotes de l’époque géométrique (entre 900 et 750 av. J.-C.) et les premières acquisitions de la collection Joannou, vingt-neuf œuvres contemporaines acquises entre 1985 et 1988. Il s’agit ainsi de rapprocher New York, avec les artistes contemporains, et Athènes, avec les céramiques de la pré-Antiquité. Cette exposition contribue à la légitimation symbolique des artistes associés au mouvement Neo-Geo, dont les œuvres constituent alors une part importante de la collection Joannou[7], tout en visant à sortir de l’appellation Neo-Geo et à dégager les œuvres de l’ancrage très états-unien du mouvement, qui apparaît alors comme une simple réaction au courant néo-expressionniste. Pour ce faire, les textes du communiqué de presse et du catalogue de l’exposition[8] confèrent aux œuvres une autre forme de légitimité, double : d’une part l’inscription dans le tropisme (supposé) universel pour les formes géométriques, d’autre part l’inscription dans le monde contemporain (images de produits de consommation high-tech, des techniques de packaging, de publicité et de marketing en vis-à-vis des œuvres dans le catalogue) plutôt que dans l’histoire récente de l’abstraction en art.

En 1989, la DESTE Foundation organise l’exposition Psychological Abstraction, toujours à la Maison de Chypre à Athènes. Dans le catalogue, Dakis Joannou insiste dès les premières lignes de son avant-propos sur les « coordonnées sociales[9] » de l’art. Le but de l’exposition est de dégager les artistes Neo-Geo de leur image d’artistes froids et désincarnés, de leurs liens avec la consommation de masse, pour insuffler l’abstraction d’affects, d’émotion, de psychologie[10], d’où le titre de l’exposition. Pour Cultural Geometry comme pour Psychological Abstraction, des œuvres historiques sont exposées avec les œuvres contemporaines afin de créer une filiation passant pour pertinente sur le plan de l’histoire de l’art, établissant ainsi le sérieux et la respectabilité du collectionneur.

Quelques mois après Cultural Geometry, le jeune bimensuel Galeries Magazine, une publication bilingue en français et en anglais, consacrait une dizaine de pages à la collection de Dakis Joannou, dont était soulignée la « grande influence sur la scène artistique grecque et internationale[11] ». Les photographies illustrant abondamment l’article montraient une maison remplie d’œuvres d’art, presque saturée. Une sculpture horizontale de Donald Judd passait juste entre les fenêtres et le plafond, non loin d’une œuvre de Barbara Kruger. Une Brillo Box de Warhol se tenait entre des plantes vertes. Le buste de Louis XIV en inox de Jeff Koons voisinait avec une toile de James Rosenquist de 1964 et un collage de 1930 de la dadaïste allemande Hannah Höch. Associant des œuvres de périodes et d’esthétiques différentes, l’accrochage domestique de la collection Joannou en 1988, telle qu’elle se donnait à voir publiquement dans les pages d’un magazine, légitimait les œuvres les plus récentes par les pièces historiques avec lesquelles elles dialoguaient – technique de légitimation symbolique classique au demeurant[12]. Enfin, une dernière illustration montre l’œuvre Translation, 1966, de Joseph Kosuth, installée in situ par l’artiste sur un mur extérieur mauve au-dessus de la piscine, de sorte à permettre quelque méditation sur le caractère linguistique et conceptuel[13] de l’art en bronzant ou en nageant le dos crawlé. Ce riche article, à la prose ampoulée, présentait donc déjà en 1988 la collection Joannou comme l’une des meilleures collections d’art contemporain d’Europe, à la fois audacieuse et influente. Le texte se terminait sur un compte rendu de l’exposition Cultural Geometry et une évocation des rapports entre la DESTE Foundation et la collection Joannou mettant en évidence les notions de « circulation » et de « mobilité[14] ». Rien ne laissait encore véritablement présager de l’orientation que prendrait la collection dans le courant des années 1990.

Au début des années 1990, deux expositions majeures confirment la stature internationale de la collection de Dakis Joannou : Artificial Nature en 1990 et Post-Human en 1992. Avec Jeffrey Deitch comme commissaire, elles ont toutes deux, dans le sillage de Cultural Geometry, un retentissement notable[15]. La première, qui a encore lieu à la Maison de Chypre à Athènes, rassemble des figures majeures de l’art contemporain nord-américain : Warhol, Ruscha, Koons, De Maria, Smithson.

Mais c’est son catalogue qui reste dans les mémoires. Conçu par Dan Friedman, il est salué dans la quasi-totalité des critiques de l’exposition. Fortement inspiré par l’esthétique appropriationniste[16], rappelant aussi bien le travail de Richard Prince que celui de Barbara Kruger, l’ouvrage constitue une œuvre à lui seul, mettant en regard photographies, œuvres et textes sur le mode de l’association d’idées. Une telle attention portée au catalogue contribue à imposer la collection Joannou comme originale et incontournable.

Peut-être plus encore, ces catalogues ont vocation à marquer les esprits et à se signaler parmi les propositions les plus originales de la période. En d’autres termes, la collection devient un catalyseur d’innovation pour le monde de l’art contemporain, manière de laisser sa marque dans l’histoire de l’art des années 1990. Lorsqu’une journaliste demande à Jeffrey Deitch si le catalogue ne « dévalorise » pas l’art en raison de la « confusion en mettant sur le même pied les œuvres présentées, des illustrations et des publicités », ce dernier répond que « le catalogue montre comment on peut penser visuellement d’une manière fragmentée[17] ». Le recours à l’ensemble de la culture visuelle dans le catalogue contribue ainsi à relativiser les formes de l’art, tout en créant un objet (le catalogue – livre d’artiste) iconique dans lequel l’œuvre d’art devient un logo reproductible. Un tel objet, autant éditorial que muséal, contribue alors à positionner Dakis Joannou comme un acteur majeur du monde de l’art. Par la création de catalogues originaux, objets théoriques tout autant que futurs objets de luxe, la collection est valorisée au-delà des expositions.

En 1992, Post-Human pose un nouveau jalon. L’exposition constitue sans nul doute l’une des propositions les plus marquantes de la décennie, interrogeant l’obsolescence du corps, l’hybridation et jusqu’au trans-humanisme dans une période marquée par l’incroyable succès populaire de la chirurgie esthétique. L’exposition circule dans plusieurs musées de référence : au Musée d’art contemporain de Lausanne, au Castello di Rivoli à Turin, à la Deichtorhallen à Hambourg et au Israel Museum à Jerusalem. Pour la première fois, la collection personnelle de Dakis Joannou circule largement dans des lieux institutionnels hors de Grèce.

Le tournant de 1996 : art bête et présentisme

En 1996, l’exposition Everything That’s Interesting Is New, à nouveau coordonnée par Jeffrey Deitch, se tient à l’école des Beaux-arts d’Athènes. Pour la première fois la collection Joannou est montrée de manière extensive, et l’exposition se présente d’abord et avant tout comme celle d’une collection privée. La majeure partie des œuvres a été créée entre 1985 et 1995, mais des figures historiques (Duchamp, Picabia et Man Ray), ainsi que les représentants de l’art minimal américain (Judd, Flavin), conceptuel (Kosuth) et corporel (Nauman, Acconci) viennent réinscrire les artistes contemporains dans une histoire de l’art au long cours, comique et cérébrale. Un riche catalogue est édité à l’occasion. Intitulé The Dakis Joannou Collection, il est composé de textes et propos inédits des artistes présents dans l’exposition.

La régression adolescente, l’obscénité sexuelle et la scatologie sont des thèmes qui figurent en bonne place. Sont notamment présentés les mutants des frères Jake et Dinos Chapman (Face Fuck Twin), mannequins d’enfant en fibre de verre, ultra réaliste et à échelle 1/1, portant perruques, tee shirts et chaussures, et dont le nez a évolué en phallus et la bouche en anus. Joannou les affiche ainsi un an avant Sensation qui se tient à la Royal Academy of Arts de Londres en 1997, exposition qui propulsera les Chapman définitivement sur la scène internationale. De Gilbert & George est présentée l’œuvre Flying Shit, issue des Naked Shit Pictures de 1994. Ici les artistes dupliqués sont soit vêtus d’un costume rouge et assis sur un étron, soit nus se tenant debout sur un autre étron volant, dont on ne sait trop s’il s’agit d’une planche de surf ou d’une météorite, d’une référence aux navettes « flying Jenny » utilisées dans l’industrie du textile en Angleterre au XIXe siècle ou au « shit service » des navettes ferroviaires de British Railway. Dans le catalogue, Gilbert & George commentent lapidairement l’œuvre par leur credo habituel : « Nous sommes des artistes modernes. Nous devons concevoir un vocabulaire qui reflète cette époque. Nous ne voulons pas cacher nos faiblesses, nos pratiques sexuelles, nos pensées, nos souffrances, et tout ce qui appartient à l’humanité[18] ».

Animal de Fischli et Weiss est une sorte d’animal gris en polyuréthane, grossièrement exécuté, genre d’hippopotame gonflé à l’hélium, somme toute assez banal et sans intérêt particulier. Elle permet cependant un jeu d’optique : le visage bonhomme de cet animal est visible de l’extérieur, mais également de l’intérieur de l’œuvre. Un trou à l’arrière permet en effet de voir apparaître comme en négatif les yeux, les naseaux et l’orifice buccal de l’animal. Et l’orifice sur lequel il faut se pencher et dans lequel il faut ouvrir grand l’œil pour accéder à cette subtile apparition est à l’évidence un orifice anal, quoique les détails anatomiques ne soient pas soulignés. L’œuvre crée donc une situation particulièrement cocasse : celle de pousser les visiteurs à venir regarder chacun son tour dans le trou du cul de la bête, et surtout à se mettre dans cette posture, non pas tant infamante que ridicule. C’est en effet en voyant les autres visiteurs s’approcher du derrière de l’animal que l’on est conduit, par instinct grégaire, à aller en observer l’anatomie intime. Dans un registre plus sombre, mais non moins scatologique, est présentée Heidi, installation et vidéo résultant d’une performance conjointe de Paul McCarthy et de Mike Kelley, une version cauchemardesque des aventures de Heidi.  Jeff Koons, Robert Gober et Kiki Smith sont également représentés par plusieurs œuvres aux accents régressifs, absurdes ou obscènes, et Meyer Vaisman par une dinde voilée d’une mousseline rouge et affublée d’un substitut de phallus (Untitled Turkey VIII [Fuck Bush], 1992). Dans le catalogue, Jeffrey Deitch signe un texte où il est question de traumatismes collectifs, préférant placer les œuvres exposées sous le signe de la perversité mythologisée de l’enfant plutôt que d’assumer le caractère jouissif et divertissant de la régression à l’œuvre[19].

Avec près d’une centaine d’artistes, Everything That’s Interesting Is New rend la collection Joannou incontournable dans le monde de l’art contemporain. Une critique note dans la revue Frieze que Joannou s’est imposé comme la référence dans l’art de la fin des années 1980 et du début des années 1990, et qu’il est à cette période ce que Panza di Biumo est à l’art minimal et conceptuel des années 1960 et 1970[20] : la figure de collectionneur-mécène la plus marquante. La convocation de Marcel Duchamp, figure tutélaire de l’art contemporain, mérite également d’être soulignée : Joannou expose la version de Fountain en sa possession, qu’il désigne lui-même dans un entretien avec Jeff Koons publié dans le catalogue comme « le vrai commencement » pour « comprendre ce qui se passe aujourd’hui[21] ».

L’exposition de 1996 constitue un tournant. L’année suivante, la DESTE Foundation se dote d’un lieu permanent à Athènes[22], où les manifestations consacrées à la collection vont se multiplier, ainsi que dans des institutions étrangères. La collection Joannou passant pour très (voire trop) américano-centrée dans la réception critique, la DESTE y remédie en élargissant son horizon. En 1998, Global Vision. New Art from the 90s offre un panorama plus international, davantage ouvert à l’Asie, l’Amérique du Sud et au Moyen-Orient, ainsi qu’aux artistes européens et états-uniens issus de minorités ethniques, afro-diasporiques ou afro-descendants. Kara Walker est présente avec ses silhouettes découpées s’adonnant à des scènes de violence parfois sexuelles ou scatologiques, ainsi qu’avec la série de gouaches sur papier de grand format figurant dans la collection Joannou. Chris Ofili est représenté avec deux œuvres de la collection régulièrement montrées depuis : Rodin…The Thinker et Pimping Ain’t Easy (1997). Les œuvres de Chris Ofili ont la particularité de ne pas être accrochées aux murs mais de reposer sur des boules fabriquées à partir d’excréments d’éléphants[23]. L’iconographie est irrévérencieuse, mais elle ne se limite pas à cela puisque le travail d’Ofili consiste en une réappropriation de l’identité noire en Grande-Bretagne. Rodin…The Thinker est une version féminine, noire et aux formes généreuses, voire rebondies, du Penseur de Rodin, en porte-jarretelles. Pimping Ain’t Easy (« Le proxénétisme c’est pas facile ») est un phallus géant humanisé. Des yeux écarquillés, un nez et de grosses lèvres rouges dans la partie sommitale représente littéralement l’expression « tête de nœud », dickhead en bon anglais. Sur le fond de la toile, brillant et recouvert de paillettes, Ofili a collé des photographies de jambes et entre-jambes féminines écartées, découpées dans des magazines érotiques[24]. Ainsi donc, tout en s’ouvrant à de nouveaux profils d’artistes, s’affirme dans la collection Joannou une veine comique, tantôt potache et régressive, tantôt satirique et incisive, parfois les deux à la fois.

En 2000, la DESTE présente deux expositions monographiques consacrées à des artistes que Dakis Joannou collectionne de manière approfondie : Jeff Koons (Jeff Koons. A Millenium Celebration 1979-1999) et Tim Noble et Sue Webster (Masters of the Universe). Dans cette dernière exposition sont montrées des sculptures à l’esthétique kitsch, faites d’ampoules lumineuses rappelant les fêtes foraines. L’entretien qui figure dans le livret de l’exposition s’intitule Talking Rubbish, soit « parler poubelle ».

En 2002, Dakis Joannou présente dans son pays d’origine, Chypre, l’exposition Forever, qui comprend soixante-dix œuvres de sa collection. L’exposition est accompagnée du catalogue Shortcuts, publication sur papier glacé imitant les magazines people, sorte de digest de près de vingt ans d’activité de collectionneur, revenant sur chacune des précédentes expositions de la DESTE. Le communiqué de presse indique que Forever a été conçue comme « un échantillon d’œuvres sélectionnées dans le but de donner au visiteur une idée générale de l’orientation de la Dakis Joannou Collection[25] » et affirme que l’évolution de la collection dans les années 1990 a conduit à des œuvres plus en prise avec le monde, manière de revenir sur la lecture formaliste du mouvement Neo-Geo très présent dans la collection[26]. « La collection privilégie les artistes dont l’œuvre explore des enjeux ayant trait à la vie quotidienne et à l’expérience du monde réel ».

En 2004, à l’occasion des jeux Olympiques d’Athènes, la DESTE organise l’exposition Monument to Now, dans un nouveau bâtiment – une ancienne usine de chaussures – dans le quartier de Nea Ionia. Aux artistes déjà présents dans la collection s’ajoutent plusieurs nouveaux venus qui occupent alors le devant de la scène internationale : Maurizio Cattelan, Urs Fischer et Takashi Murakami. Rapidement, Fischer et Cattelan deviennent des artistes très représentés dans la collection Joannou : Cattelan avec par exemple Frank & Jamie (2002), sculpture naturaliste de deux policiers installés la tête en bas, et Untitled (Manhole) (2001), effigie en cire de l’artiste faisant irruption dans l’exposition par un trou creusé dans le sol et contemplant One Ball Total Equilibrium Tank de Jeff Koons (1985), première œuvre acquise par Joannou : le ballon de basket est en parfait équilibre, au milieu de son aquarium. D’Urs Fischer, qui devient l’une des coqueluches du marché et des biennales au cours des années 2000, on trouve trois œuvres de 2003 dont What If the Phone Rings, bougies géantes figurant des personnages féminins grossièrement exécutés, fondant pendant l’exposition.

« From Plato to Go-Go[27] »

À partir de 2005, plusieurs expositions dans des institutions muséales d’envergure internationale marquent une étape supplémentaire dans le processus de mise en visibilité de la collection Joannou. Une partie de la collection est exposée à Paris au Palais de Tokyo (Translation, commissariat Nicolas Bourriaud, Marc Sanchez et Jérôme Sans, 2005), au MUMOK et à la Kunsthalle de Vienne (Traum und Trauma, commissariat Edelbert Köb, Gerald Matt and Angela Stief, 2007), et au New Museum à New York (Skin Fruit, commissariat Jeff Koons, 2010).

Pour Skin Fruit, un nombre conséquent d’œuvres de Maurizio Cattelan, Urs Fischer et Paul McCarthy est alors présenté au public, faisant de ces artistes, avec Koons, les emblèmes de la collection Joannou. Les thèmes sexuels et scatologiques sont aussi importants, si ce n’est plus, que dans les précédentes expositions. De Paul McCarthy figurent ainsi deux sculptures, Untitled (Jack), buste masculin en silicone rouge au nez très littéralement phallique et Paula Jones, œuvre consistant en une table sur laquelle des personnages animalisés à l’effigie du président des États-Unis Bill Clinton[28] se livrent à une ébauche d’orgie. Plusieurs œuvres de Kiki Smith et Chris Ofili déjà mentionnées sont à nouveau présentées ; Tim Noble et Sue Webster dévoilent une nouvelle sculpture sur le modèle du théâtre d’ombre, Black Narcissus, 2006, constitué d’un amas de phallus noirs de différentes tailles, d’un grand naturalisme comme en témoignent leurs contours abondamment veinés.

L’exposition Skin Fruit a eu mauvaise presse. Dans le New York Times, Roberta Smith éreinte l’exposition : « Parmi les nombreux bémols, je mentionnerai les sculptures de Paul McCarthy et de l’équipe Tim Noble et Sue Webster pour leur caractère désagréable plus que gratuit[29] ». Parmi les multiples critiques, certaines font état d’une exposition exclusivement centrée sur des « bad-boy works[30] ». Un critique parle d’une collection « d’art de mâle alpha[31] ». Le titre de l’exposition, que l’on peut traduire par « peau de fruit » en français, a des connotations charnelles. Mais l’anglais skin fruit rappelle phonétiquement skin flute, expression fort imagée désignant le membre masculin. Cette thématique, omniprésente dans l’exposition comme dans les critiques qui s’élèvent alors dans la presse, suscitent la création d’une performance de l’artiste David Livingston, caricaturant à peine l’esthétique dominante de Skin Fruit : affublé d’un pénis factice surdimensionné, l’artiste cherche à déambuler dans l’exposition, mais se voit refuser l’entrée par les agents de sécurité, sommé de laisser son volumineux déguisement au vestiaire.

L’étude de la réception critique de l’exposition révèle que même si c’est d’abord Jeff Koons qui est visé – l’article du Village Voice est ainsi plaisamment sous-titré « Here you go, folks – a guide to Jeff Koons’s New Museum sausage party[32] », le collectionneur n’est pas en reste. À partir de 2010, il est plus commun de lire dans la presse que Dakis Joannou collectionne d’abord et avant tout les grandes stars de la provocation facile, comme en témoigne l’article de Christopher Mooney dans Art Review au titre éloquent : « From Plato to Go-Go[33] ». On y lit notamment que « dans le genre ‘‘épater le bourgeois’’, l’exposition présente la dose requise de caca et de sperme[34] ». Si, comme on vient de le montrer, il est certain que la promotion d’une esthétique de la régression comique a été opérée par les différentes monstrations d’œuvres de la collection Joannou, on peut cependant poser un autre type de question : le recours à un artiste phare de la collection Joannou et star du marché de l’art, Jeff Koons, pour assurer le commissariat d’une exposition au New Museum, ne constitue-t-il pas une manière de détourner l’attention du profit à la fois économique et symbolique que le collectionneur, par ailleurs membre du Board of Trustees du musée, est alors susceptible de tirer de l’opération ?

Alors que s’impose cette esthétique pop-trash, la DESTE Foundation développe une nouvelle activité de publication. La série 2000 words, conçue par le critique et commissaire Massimiliano Gioni et débutée en 2013, consiste en des monographies consacrées à des artistes de la collection Joannou : Urs Fisher, Robert Gober, Chris Ofili, Tim Noble & Sue Webster, entre autres. Chaque numéro comporte un essai critique et une étude des différentes œuvres de l’artiste figurant dans la collection. Ces ouvrages ont donc une fonction de promotion et de mise en valeur intellectuelle de la collection de Dakis Joannou.

À cette activité éditoriale s’ajoutent les revues publiées par Maurizio Cattelan avec le soutien financier de la DESTE, notamment les quatre premiers numéros de Toilet Paper. Lancée en 2010, la revue consiste en une succession de collages d’images trouvées sur Internet, entre collages surréalistes et couvertures du magazine Hara-Kiri, provoquant souvent malaise ou rejet en raison du profond mauvais goût des associations.

Conclusion : jouer au barbare atlantiste

Les choix profondément atlantistes de Dakis Joannou – les artistes qu’il collectionne et met en avant demeurent principalement états-uniens – sont la marque d’une prise de position dans le paysage culturel grec. Il laisse ainsi planer le doute quant au sens de sa démarche : pure provocation culturelle, dans une société marquée par un anti-américanisme ancien (la Dictature des Colonels entre 1967 et 1974 est largement permise par le soutien de la CIA) ou modernisation de la scène artistique à marche forcée ? La Grèce compte de grandes dynasties de collectionneurs : les Goulandris collectionnent l’art des Cyclades, les Niarchos, les Onassis sont des armateurs dont les noms sont associés aux principaux musées et centres culturels d’Athènes. Ils incarnent une réussite sociale grecque cultivée, s’exprimant dans des choix de collectionneurs allant de l’époque mycénienne à l’impressionnisme français, parfois à la peinture de la première moitié du XXe siècle. Le Centre de Recherche sur l’Art Classique et Byzantin de l’université d’Oxford[35] porte le nom de Stelios Joannou, père de Dakis Joannou. Dans ce contexte, Dakis Joannou semble se délecter à jouer le rôle du barbare : lui qui fait construire des hôtels et des supermarchés géants dans le golfe persique affecte de ne connaître que l’art le plus occidental et le plus capitaliste – Koons est l’artiste de la collection Joannou par excellence. Ce rapport à l’Amérique capitaliste, vulgaire et philistin du point de vue des dynasties de collectionneurs grecs philanthropes et distingués, est donc une manière de se positionner dans un champ culturel déterminé.

La mise en visibilité progressive de la Collection Joannou est allée de pair avec l’acquisition d’une position très puissante dans le monde de l’art contemporain international. Joannou a donné le ton au monde de l’art contemporain et a notamment contribué à l’acceptation, la banalisation et la légitimation d’un art comique, grossier, de mauvais goût, parfois délibérément bête[36], et en tous les cas le plus ostensiblement états-unien qu’il soit. Mais il l’a fait apparemment sans avoir l’ambition de le faire. Des entretiens ressortent une bonhomie et un plaisir simple mâtiné de fierté à montrer ses nouvelles acquisitions. « Nous sommes plus des promoteurs que des historiens de l’art. Nous ne cherchons pas à prendre du recul, à nous poser en musée[37] », insistait en 1988 Jeffrey Deitch à propos de Joannou et de lui-même. Mais l’importance prise depuis par la collection Joannou et sa diffusion dans les plus grandes institutions internationales d’art contemporain font résonner étrangement cette affirmation : en ne se posant pas en musée tout en obtenant l’onction des musées, les promoteurs, sans être historiens d’art, ont définitivement contribué à l’écriture de l’histoire de l’art du temps présent.

 

Notes

[1] Moulin R., « Les collectionneurs d’art contemporain. La confusion des valeurs », Passions privées. Collections particulières d’art moderne et contemporain en France, cat. exp., Paris, Musée national d’Art moderne, 1995, p. 66.

[2] Dakis Joannou est membre du Board of Trustees du New Museum à New York, du Committee on Painting and Sculpture du MoMA, de l’International Directors’ Council du Guggenheim, ainsi que de l’International Council de la Tate Gallery et du conseil d’administration de la Serpentine Gallery à Londres.

[3] Jeffrey Deitch, cité par Sonia Papa, « Dakis Joannou », Galeries Magazine, octobre-novembre 1988, p. 119.

[4] Il s’agit essentiellement de revues de presse et de documents relatifs à l’organisation des expositions (plans de salles, photographies, notices, éléments de communication). Les documents financiers ou relatifs aux échanges commerciaux n’étaient pas accessibles dans les archives, qui sont celles de la fondation (qui n’est pas propriétaire des œuvres) et non les archives de la collection personnelle de Joannou.

[5] Sur la place des musées privées et la promotion d’un art délibérément bête, voir Labar M., « L’ambition des musées privés au XXIe siècle : The Broad et la Collection Pinault », Histoire de l’art, n° 84-85, 2020, p. 155-168. Pour une étude comparée des mises en visibilité des collections de Dakis Joannou, Eli Broad et François Pinault, voir Labar M., « The New Discourses of the New Museums. Dakis Joannou, François Pinault, Eli Broad », Chassagnol A., Marie C. (éd.), Museums in Literature. Fictionalising Museums, World Exhibitions, and Private Collections, Turnhout, Brepols, 2022, p. 213-225, ainsi que Labar M., La gloire de la bêtise. Régression et superficialité dans les arts depuis la fin des années 1980, Dijon, Les presses du réel, à paraître (en particulier chap. 5 « Collectionnisme. Les collectionneurs-prescripteurs d’art bête »).

[6] La réception critique dans les principales revues d’art contemporain en témoigne : Morgan S., « School of Athens », Artscribe International, mars-avril 1988, p. 9 ; Mantegna G., « Cultural Geometry », Tema Celeste, n° 15, mars-mai 1988, p. 81 ; Albertazzi L., « Cultural Geometry », Arte Factum, avril-mai 1988, p. 42-43.

[7] Koons J., One Ball in Total Equilibrium (1985) et les aspirateurs de la série The New (1979-1980) ; Vaisman M., The Whole Public Thing, 1986, un socle carré de 177 cm par 177 cm et 45 cm de haut sur lequel sont disposées quatre lunettes de toilettes ; Peter Halley, Two Cells with Circulating Conduits, 1987, acrylique et peinture fluorescente sur toile ; Ashley Bickerton, Abstract Painting for People #5 (BAD), 1986. Sont également présentées des œuvres d’autres artistes associés au Neo-Geo : Wallace et Donahue, Allan McCollum et John Armleder.

[8] Cultural Geometry, cat. exp., Athènes, Fondation DEKA, House of Cyprus 1988.

[9] Dakis Joannou dans Psychological Abstraction, cat. exp., Athènes, Deste Foundation, 1989, n. p. : « We are in the midst of a revolutionnary period which is redefining, in a highly dynamic manner, the function of the factor ‘‘art’’ through its social coordinates ».

[10] Psychological Abstraction, cat. exp., Athènes, Deste Foundation, 1989, n. p. : « Contrary to the widespread perception of much of the new art as ‘‘cool’’ and ‘‘austere’’ as opposed to the hot brushwork of the Neo-Expressionists, most of the best new art, despite its outwardly cool appearance, is even more deeply psychologically and emotionaly charger ».

[11] Papa S., « Dakis Joannou », Galeries Magazine, octobre-novembre 1988, p. 156.

[12] Sur les processus de légitimation symbolique et le recours à l’histoire de l’art comme « police d’assurance » pour les œuvres actuelles, voir Graw I., High Price, Art between the Market and Celebrity Culture, New York ; Berlin, Sternberg Press, 2010, en part. p. 19.

[13] Manière supplémentaire d’inscrire les artistes Neo-Geo, alors également désignés comme « néo-conceptuels » dans l’héritage de l’art conceptuel canonique.

[14] Papa S., « Dakis Joannou », Galeries Magazine, octobre-novembre 1988, p. 160 : « Le sens de la flexibilité et la mobilité de la collection demeurent un point très essentiel. En circulation et en changements permanents à l’intérieur de la maison ainsi qu’au-dehors, la collection déborde de ses limites fonctionnelles pour remplir le but culturel et les orientations de la Fondation Deste. Une grande partie voyage constamment, prêtée à de grandes expositions internationales itinérantes ».

[15] Voir notamment « Jeffrey Deitch: Interview », Flash Art International, vol. XXIII, n° 153, été 1990, p. 68-69.

[16] Appellation désignant les artistes qui, à la fin des années 1970, souvent soutenus par la revue October contre les représentants de la peinture néo-expressionniste, pratiquent l’appropriation, la citation ou le détournement d’images issues des mass-médias. L’expression « Pictures Generation » est également employée après que le critique et historien d’art Douglas Crimp organise en 1977 l’exposition Pictures (Artists Space à New York). Voir également The Pictures Generation, 1974-1984, cat. exp., New York, Metropolitan Museum of Art, 2009.

[17] Papa S., « Dakis Joannou », Galeries Magazine, octobre-novembre 1988, p. 146.

[18] Everything That’s Interesting is New: The Dakis Joannou Collection, cat. exp., Athènes, School of Fine Arts « The Factory » ; Copenhague, Museum of Modern Art ; New York, Guggenheim Museum Soho, 1996, p. 108-109.

[19] Deitch J., « Truth in Advertising », Everything That is Interesting is New: The Dakis Joannou Collection, cat. exp., Athènes, School of Fine Arts « The Factory »…, 1996, p. 13-22.

[20] Janus E., « Everything That’s Interesting is New: the Dakis Joannou Collection », Frieze, juin-juillet-août 1996, p. 76 : « Joannou was in the process of building a collection of art from the late 80s that would rival in scale, breath and focus the collection of Minimal and conceptual art formed in the 1970s by Guiseppe Panza di Biumo ».

[21] Joannou D., « Dakis Joannou and Jeff Koons », Everything That’s Interesting is New: The Dakis Joannou Collection, cat. exp., Athènes, School of Fine Arts « The Factory »…, 1996, p. 291 : « To understand what’s happening now, you really have to look at the history and see where it all started. Duchamp’s FOUNTAIN, that’s really the beginning ».

[22] Il s’agit d’une ancienne usine à papier réaménagée par l’architecte Christian Hubert dans le quartier athénien Neo Psychico.

[23] La portée est satirique et politique : Ofili prend ainsi le contre-pied du regard porté jusque-là sur l’Afrique et les artistes africains en Grande-Bretagne.

[24] Ofili raconte qu’il travaillait dans le red district du quartier de King’s Cross et qu’au petit matin dans les rues, il y avait tous ces vestiges des activités nocturnes faussement glamour (prostitution triste et glauque contrecarrée par les paillettes). Il s’agit pour lui d’une manière de mettre sous les yeux du visiteur au musée des éléments rebutants, dont on évite généralement de s’approcher. Il a découpé ces personnages dans les magazines les plus obscènes et c’est justement pour cela qu’il les recolle : pour les mettre en évidence et choquer. Le phallus géant est encore une fois une manière de faire référence au mythe (et stéréotype populaire) du Noir au sexe surdimensionné.

[25] Accessible en ligne sur le site internet de la DESTE, comme tous les communiqués de presse d’exposition : https://deste.gr/exhibition/forever/ (consulté en novembre 2022).

[26] Ibid. : « These artists are less interested in the cool formalism and sharply polished corporate aesthetics of the eighties and more concerned with matters of personal or collective identity, the self, multi-cultural and gender politics, and the issue of inter-disciplinarity ».

[27] Mooney C., « From Plato to Go-Go », Art Review, n° 39, mars 2010, p. 110-113.

[28] D’où le titre de l’œuvre : Paula Jones avait accusé l’ancien président des États-Unis de harcèlement sexuel. S’en était suivi un procès fortement médiatisé.

[29] Smith R., « Anti-Mainstream Museum’s Mainstream Show », The New York Times, 4 mars 2010, en ligne : https://www.nytimes.com/2010/03/05/arts/design/05dakis.html (consulté en novembre 2022) : « The low points are many. I’ll mention the sculptures of Paul McCarthy and the team of Tim Noble and Sue Webster for their gratuitous nastiness ».

[30] Mooney C., « From Plato to Go-Go », Art Review, n° 39, mars 2010, p. 111.

[31] Viveros-Fauné C., « Review: In the Money », The Village Voice, 24-30, mars 2010, p. 32 : « A collection of alpha male art ».

[32] Ibid.

[33] Mooney C., « From Plato to Go-Go », Art Review, n° 39, mars 2010, p. 110-113 : « Dakis idea of what’s good seems principally focused on the brashest bad-boy works of Robert Gober, Urs Fischer, Chris Ofili, Paul Chan, Richard Prince, Maurizio Cattelan, Kiki Smith and especially Jeff Koons ». Le titre de l’article fait sans doute référence à l’autre exposition de la collection de Dakis Joannou qui a lieu en même temps que Skin Fruit, à la Deste Foundation à Athènes, Alpha Omega, dont Massimiliano Gioni est commissaire. Le catalogue, qui a l’apparence d’un livre cartonné pour enfant, s’ouvre sur une citation d’une pleine page du Timée de Platon.

[34] Mooney C., « From Plato to Go-Go », Art Review, n° 39, mars 2010, p. 110-113 : « The show also features the requisite dose of épater le bourgeois caca and cum ».

[35] Stelios Ioannou School for Research in Classical and Byzantine Studies at the University of Oxford.

[36] Voir Labar M., La gloire de la bêtise. Régression et superficialité dans les arts depuis la fin des années 1980, Dijon, Les presses du réel (à paraître).

[37] Papa S., « Dakis Joannou », Galeries Magazine, octobre-novembre 1988, p. 119.

 

Pour citer cet article : Morgan Labar, "La mise en visibilité de la collection Dakis Joannou : un enjeu pour l’écriture de l’histoire de l’art contemporain globalisé", exPosition, 6 décembre 2022, https://www.revue-exposition.com/index.php/articles7/labar-collection-dakis-joannou/%20. Consulté le 29 mars 2024.