Revivalisme, authenticité et éthique : les collections de « récupération » architecturale médiévale du début du XXe siècle aux États-Unis

par Martha Easton

 

Martha Easton est associate professor en histoire de l’art et directrice du programme d’études muséales à Saint Joseph’s University (Philadelphia, Pennsylvanie). Ses recherches et publications ont porté sur divers sujets, notamment les manuscrits enluminés, les illustrations hagiographiques, les questions de genre dans l’art médiéval, la violence et la spiritualité, l’amour courtois et les ivoires gothiques, le médiévalisme à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, ainsi que le collectionnisme de l’art médiéval. 

 

Texte traduit de l’anglais (américain) par Mélina Collin, doctorante en histoire de l’art médiéval, sous la dir. de Géraldine Mallet, université Paul-Valéry – Montpellier 3.

 

On dit souvent que la première collection cohérente d’art médiéval aux États-Unis a été rassemblée par Isabella Stewart Gardner à Boston et exposée dans sa Fenway Court, ouverte en tant que musée en 1903[1]. Au début du XXe siècle, elle est rejointe par un certain nombre d’autres collectionneurs privés, ainsi que par des musées publics[2]. L’une des caractéristiques les plus frappantes de ces collections américaines d’art médiéval, tant privées que publiques, est qu’elles étaient souvent exposées dans des espaces au style historiciste, créant un contexte pseudo-historique pour une période que l’Amérique n’avait jamais connue. Dans la présente contribution, j’aborderai la question de la collection et de l’exposition de l’art médiéval aux États-Unis, en particulier d’éléments architecturaux provenant d’édifices médiévaux européens, qui ont été retirés à un moment donné pour être réutilisés dans des milieux américains. Je me pencherai également sur les questions d’authenticité, à la fois des objets réutilisés et de la manière dont ils ont souvent été employés pour créer une atmosphère « médiévale » dans les maisons privées et les musées où ils ont été installés. Enfin, j’aborderai la signification de ces fragments récupérés dans le présent – comment ils construisent un récit du Moyen Âge pour les publics modernes, en particulier dans les musées, et ce qu’ils signifient ainsi décontextualisés. À notre époque où les appels à la restitution et au rapatriement d’objets sont devenus de plus en plus courants, quelle est l’éthique qui entoure l’appropriation de la « récupération » architecturale médiévale ?

Les installations cherchant à évoquer une atmosphère « médiévale » à travers des œuvres d’art et d’architecture du Moyen Âge dans les collections américaines ont probablement été inspirées par la manière dont certains marchands d’art européens mettaient en scène leurs objets. Par exemple, à Paris, Émile Gavet avait une galerie résidentielle de style gothique remplie de pièces médiévales et de la Renaissance à vendre[3]. Certains collectionneurs américains ont vu ces aménagements artistiques en personne lors de leurs voyages en Europe, tandis que d’autres se sont appuyés sur des photographies. Il est probable qu’ils s’en soient inspirés pour recréer des agencements similaires avec les objets qu’ils avaient achetés. À titre d’exemple, Gavet a fourni des centaines d’objets à Alva Vanderbilt, qui les a exposés dans la « salle gothique » de sa Marble House à Newport (Rhode Island), le chalet d’été qu’elle partageait avec son mari[4]. Après leur divorce, elle mit la collection en vente et l’ensemble fut acheté en 1927 par l’impresario de cirque John Ringling pour l’installer dans son musée de Sarasota, en Floride[5]. Il les disposa, ainsi que le reste de sa vaste collection d’art, dans un bâtiment qui entourait une cour centrale avec des arcades simulant un cloître.

Alors que le cloître de Ringling était une réalisation fantasmée, d’autres Américains ont acquis des pièces architecturales qui avaient été retirées de leur contexte d’origine afin de créer l’ambiance appropriée pour leurs collections. Ils importèrent des objets tels que des portes, des fenêtres et des cheminées, mais aussi des éléments architecturaux beaucoup plus importants, notamment des plafonds et même des cloîtres, pour servir de points d’ancrage d’authenticité dans le bricolage de leur environnement réimaginé, en fournissant des liens matériels avec le passé médiéval[6]. Au début du XXe siècle, il était facile de se procurer des éléments architecturaux récupérés en Europe, qui avaient été retirés de leur emplacement d’origine pour diverses raisons. Des siècles de conflits religieux ont mis à mal des édifices médiévaux, tout comme les rénovations et l’évolution des goûts esthétiques, la négligence, voire l’abandon et, en particulier en Italie, les catastrophes naturelles telles que les tremblements de terre. Les perturbations et les dégâts causés par la Première Guerre mondiale ont également eu un effet profond sur le marché des fragments architecturaux déplacés.

La collection d’Isabella Stewart Gardner a servi de modèle à l’exposition d’œuvres d’art et d’architecture en suggérant leur contexte d’origine. Fenway Court présentait une cour intérieure centrale inspirée d’un palazzo de Venise, incorporant une variété d’objets et de fragments architecturaux datant de plusieurs siècles (Fig. 1). Le sculpteur George Grey Barnard a créé l’une des premières collections d’éléments de récupération architecturaux spécifiquement médiévaux, disposés de manière à suggérer une atmosphère authentique[7]. Contrairement à la plupart de ses contemporains, Barnard collectionnait des objets plutôt par nécessité, afin d’aider à financer ses projets de sculpture. N’ayant pas trouvé d’acheteurs immédiats, il a installé sa collection dans le haut de Manhattan et l’a ouverte au public en 1914. Il tenta de souligner l’authenticité des lieux en les éclairant à la bougie, où les visiteurs étaient accompagnés par des guides habillés en moines. En 1925, le financier et collectionneur d’art John D. Rockefeller Jr finança l’acquisition de la collection de Barnard pour le Metropolitan Museum of Art. Il acheta également le terrain de Fort Tryon Park sur les hauteurs de Manhattan. Quatre hectares du parc furent réservés à la construction d’un nouveau musée destiné à abriter la collection de Barnard, augmentée de nombreuses autres pièces, dont certaines provenant de Rockefeller lui-même. Malheureusement, Barnard mourut en 1938, quelques mois seulement avant l’ouverture au public de ce nouveau musée, The Cloisters, qui fut loué par tous.

Fig. 1 : Cour intérieure du Isabella Stewart Gardner Museum à Boston © Andre Carrotflower, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons

Aux Cloisters, des éléments architecturaux provenant de divers bâtiments médiévaux, principalement d’églises et de monastères, servent de décor au reste de la collection, les colonnes et les chapiteaux roses du cloître de Saint-Michel-de-Cuxa (Pyrénées-Orientales) étant l’élément historique central du musée[8] (Fig. 2). La plupart des visiteurs occasionnels du musée ne savent pas que seules certaines parties de l’ensemble datent du XIIe siècle ; les autres sont modernes, bien qu’elles aient été taillées dans le même matériau que l’original. D’autres musées américains possédant des collections médiévales – en particulier ceux qui ont intégré d’importants éléments architecturaux récupérés dans le cadre de leurs expositions – ont rencontré le même succès critique et populaire des installations « authentiques » des Cloisters. Le Toledo Museum of Art, dans l’Ohio, possède un cloître avec trois claires-voies provenant de trois monastères différents ; la quatrième a été créée en bois et en plâtre pour compléter l’illusion[9]. Le Worcester Art Museum, dans le Massachusetts, possède une salle capitulaire française du XIIe siècle provenant du prieuré bénédictin de Saint-Jean au Bas-Nueil, que le musée a achetée à George Grey Barnard. Le Philadelphia Art Museum (PhAM), en Pennsylvanie, possède une importante collection d’art médiéval, dont de nombreuses pièces ont été acquises auprès du même collectionneur[10]. Après avoir vendu sa première collection au Met, Barnard entama une deuxième série de collectes. Il vendit certaines pièces et en installa d’autres dans une nouvelle incarnation de son musée new-yorkais qu’il appela L’Abbaye ; à sa mort, ses descendants en vendirent le contenu au PhAM. C’est également auprès de George Grey Barnard que l’établissement fit l’acquisision du spectaculaire portail du XIIe siècle de l’abbaye de Saint-Laurent (Saint-Laurent-lès-Cosne, Nièvre) et du cloître encore plus évocateur de Saint-Genis-des-Fontaines (Pyrénées-Orientales), qui est en réalité un pastiche d’éléments originaux et de reproductions (Fig. 3).

Fig. 2 : Le cloître de Cuxa, 1130-40 (France) © New York : The Cloisters Collection, 25.120.398–.954 (Domaine public/libre accès)
Fig. 3 : Cloître avec des éléments de l’abbaye de Saint-Genis-des-Fontaines, des éléments médiévaux du sud-ouest de la France et des ajouts modernes, 1270-1280 (France) © Philadelphie : Philadelphia Museum of Art, 1928-57-1b (Domaine public/libre accès)

L’aura d’authenticité créée par ces simulacres d’espaces médiévaux s’inscrivait dans le droit fil de la popularité croissante des « period rooms » dans les musées américains, qui permettaient aux visiteurs de remonter le temps grâce à des présentations intégrées d’artefacts culturels[11]. Pourtant, l’exactitude historique a parfois été reléguée au second plan par rapport à l’attrait phénoménologique et émotionnel de ces galeries. Pour le directeur du PhAM, Fiske Kimball, la ligne de vue créée par le portail de l’abbaye Saint-Laurent dans le cloître était cruciale pour donner aux visiteurs le sentiment qu’ils se trouvaient dans un véritable espace médiéval, même si l’architecture des monastères médiévaux réels n’aurait jamais eu cette disposition. Dans son livre Moving Rooms: The Trade in Architectural Salvages, qui se concentre en particulier sur la dispersion des intérieurs des maisons de campagne anglaises, John Harris souligne comment de nombreuses salles d’époque (et collections privées) ont déformé et même détruit des matériaux de récupération afin de créer l’effet désiré[12].

Parmi les riches collectionneurs américains qui ont acquis des pièces architecturales médiévales, le plus remarquable est probablement William Randolph Hearst, qui en a acheté tellement qu’il ne pouvait pas tout utiliser, même s’il les a incorporées dans ses nombreuses résidences[13]. Certaines des pièces acquises par Hearst n’ont jamais été utilisées en raison de divers aléas. À la Brummer Gallery de New York, Hearst a acheté un cloître qui proviendrait d’une abbaye augustinienne près de Beauvais, avec l’intention de l’installer dans sa folie historiciste à San Simeon, en Californie. Lorsque Hearst connut des temps difficiles, il le céda aux Brummer lors vente au rabais en 1941[14]. Le cloître a ensuite été acheté par le Nelson-Atkins Museum of Art (Kansas City, Missouri). Hearst se procura également un cloître à Ségovie, en Espagne ; la vente a fait la une du New York Times, mais la dernière partie du titre indiquait : « Expédié malgré l’opposition des villageois de Ségovie[15] ». Après une série de problèmes, notamment le déballage et le remballage des pierres dans le désordre, le cloître a été stocké et n’a jamais été installé. Il a finalement été reconstruit à North Miami Beach dans les années 1950, dans le cadre d’un ensemble plus vaste de bâtiments aujourd’hui appelé « Ancien monastère espagnol ». En 1931, Hearst a acheté des parties d’un autre monastère espagnol, Santa María de Óvila, qu’il avait l’intention d’exposer à Wyntoon, une autre de ses résidences ressemblant à un château prévue pour remplacer une structure précédente qui avait brûlé. Le projet n’a jamais été mené à bien et de nombreuses pierres ont attendu  pendant des années dans le parc du Golden Gate à San Francisco, bien que certaines aient finalement été enlevées et réutilisées dans d’autres structures. La salle capitulaire, par exemple, a été reconstruite à l’abbaye de New Clairvaux en Californie (Fig. 4).

Fig. 4 : Salle capitulaire de Santa María de Óvila (Espagne) – Vina, Californie, abbaye de Notre-Dame de New Clairvaux, © Frank Schulenburg, CC BY-SA 3.0

La richesse de Hearst provenait principalement de son empire éditorial, spécialisé dans le « journalisme jaune » sensationnaliste. Il a commencé par recevoir le San Francisco Examiner en cadeau de son père, George Hearst, qui l’avait acquis en règlement d’une dette de jeu. Hearst Père était un ingénieur des mines extrêmement riche, possédant des intérêts internationaux dans des mines d’or et de diamants. Un autre ingénieur ayant fait partie de ses employés, John Hays Hammond, était quant à lui le père d’un autre collectionneur américain de pièces architecturales médiévales, le scientifique John Hays Hammond Jr.

Bien que presque inconnu aujourd’hui, Hammond Fils était l’un des inventeurs les plus importants de son époque, avec des centaines de brevets à son actif dans les domaines de la radio, du radar, de l’armement militaire, des instruments de musique et de la reproduction musicale[16]. Ses premières expériences ont été financées par son père, et son premier laboratoire se trouvait dans la propriété d’été de ses parents à Gloucester, dans le Massachusetts. Après s’être brouillé avec eux pour avoir épousé une divorcée plus âgée, Hammond acheta un terrain plus loin sur la côte et construisit entre 1926 et 1929 le monument qu’il appela « Abbadia Mare », mais qui fut connu par la suite sous le nom de Hammond Castle (Fig. 5). L’une des extrémités du bâtiment abritait le laboratoire moderne de recherche sur la radio de Hammond, mais le reste était un alignement fantaisiste d’espaces architecturaux pseudo-médiévaux – d’abord un donjon de château, puis une section de style gothique avec des contreforts, enfin un château français avec des toits coniques. À l’intérieur, une série de pièces médiévales servaient à la fois de résidence et de décor pour sa collection d’art et d’architecture antiques, médiévaux et de la Renaissance, y compris des éléments architecturaux tels que des portes, des fenêtres, des cheminées etc. Hammond y a vécu, mais il l’a immédiatement transformé en musée, toujours ouvert de nos jours.

Fig. 5 : Hammond Castle Museum, Gloucester, Massachusetts (construction en 1926-1929) © Philip Greenspun, 2006.

À l’insu de la plupart des gens, Hammond Castle a joué un rôle important dans le développement d’une conception cherchant à rendre l’atmosphère des galeries médiévales dans les musées américains. Lors de la planification du nouveau musée des Cloisters à New York, John D. Rockefeller Jr. a visité Hammond Castle avec sa femme, sa belle-sœur et son fils cadet David. Rockefeller était non seulement responsable de l’achat de la collection de Barnard pour le Metropolitan Museum of Art, mais également très impliqué dans de nombreux aspects de la conception et de la construction des Cloisters. Aux alentours de cette période, où il visita le château, l’architecte d’origine fut licencié et remplacé par l’architecte de Hammond, Charles Collens, du cabinet Allen and Collens basé à Boston.

En particulier, Harold B. Willis, qui travaillait avec Collens, fut la force directrice de Hammond Castle et des Cloisters (d’ailleurs le cabinet fut rebaptisé Collens, Willis and Beckonert après la mort de Francis Richmond Allen en 1931). Rockefeller et Collens avaient déjà travaillé ensemble sur la Riverside Church à New York, inspirée de la cathédrale de Chartres, mais la conception de Hammond Castle a clairement impressionné Rockefeller par la façon dont les fragments architecturaux historiques ont été utilisés en accord avec une architecture moderne conçue pour paraître ancienne.

Le château de Hammond et sa collection, sujets de mes travaux depuis plusieurs années, sont peu connus. L’une des frustrations a été le manque d’informations sur la provenance exacte des objets architecturaux récupérés par Hammond, d’autant plus que, comme pour d’autres collections du début du XXe siècle, des « faux » ont été mélangés aux originaux[17]. Certains étaient des reproductions d’œuvres d’art célèbres commandées par Hammond lui-même, tandis que d’autres étaient des pastiches ou même des éléments entièrement inventés, vraisemblablement par des marchands peu scrupuleux. Le démantèlement et la dispersion des bâtiments européens ayant eu lieu à différents moments de l’histoire, il est parfois difficile de retracer l’emplacement d’origine et les mouvements ultérieurs d’une grande partie du matériel qui s’est retrouvé dans les collections américaines. Parfois, les marchands et les collectionneurs ont mal identifié l’origine des éléments architecturaux récupérés, ce qui conduit actuellement à approfondir la question de leur provenance. Par exemple, les colonnes et les chapiteaux entourant le jardin d’herbes aromatiques des Cloisters, collectés à l’origine par Barnard, étaient traditionnellement identifiés comme provenant du monastère cistercien de Bonnefont-en-Comminges, près de Toulouse, mais des recherches récentes, en particulier celles de Céline Brugeat, ont révélé que de nombreux éléments émanaient en fait du monastère franciscain de Tarbes, datant de la fin du XIIIe siècle et démoli en 1907-1908[18] (Fig. 6). Autre exemple, plusieurs chercheurs ont identifié l’arcade du cloître à l’extérieur du château de Hammond comme étant une section d’un cloître de la fin du XIIIe siècle ou du début du XIVe siècle provenant du monastère franciscain d’Auch, dans le Sud-Ouest de la France[19] (Fig. 7). Une partie de ce cloître est toujours en place à Auch même. D’autres éléments achetés mais jamais utilisés par William Randolph Hearst ont fini par faire partie d’une structure pastiche qui se trouve aujourd’hui à l’Ocean Club à Paradise Island aux Bahamas. La dernière partie du cloître restant s’est retrouvée à Hammond Castle, mais après avoir été refusée par Raymond Pitcairn, qui possédait sa propre maison historiciste de Glencairn, à Bryn Athyn en Pennsylvanie, remplie d’éléments d’art et d’architecture à la fois médiévaux et de reproduction. Les arcades du cloître lui avaient été offertes en 1922 par le marchand d’art Joseph Brummer[20]. Elles ont fini par apparaître dans un catalogue de 1930 publié par le marchand d’art parisien Paul Gouvert. Il est probable que Hammond les ait achetées à ce dernier.

Fig. 6 : Cloître, fin XIIIe-XIVe siècle (France) © New York : The Cloisters Collection, 25.120.531–.1052 (Domaine public/libre accès)
Fig. 7 : Arcades du cloître d’Auch (France) – Gloucester, Massachusetts : Hammond Castle Museum © Martha Easton

L’un des endroits les plus évocateurs de Hammond Castle est la cour intérieure avec un bassin central (Fig. 8). Cet espace s’inspire clairement de la Fenway Court d’Isabella Stewart Gardner. Cette dernière se rendait souvent à Gloucester et fréquentait les amis de Hammond, même si les deux collectionneurs n’étaient pas de la même génération. Selon un écrit d’Hammond, son but était de donner l’impression d’un village médiéval français qui se serait développé autour d’un ancien impluvium romain. Deux façades de maisons médiévales ancrent l’agencement, toutes deux construites avec une combinaison de briques et de poutres en bois et, très probablement, d’éléments médiévaux et modernes. Hammond a mentionné dans son journal qu’il avait acheté celle de droite à Auguste Decour, marchand d’art à Paris, et qu’elle était originaire de la ville d’Amiens[21].

Fig. 8 : Cour intérieure – Gloucester, Massachusetts : Hammond Castle Museum © Martha Easton

La porte monumentale appartenant au gothique flamboyant située sur le mur oriental de la cour est l’une des pièces de récupération architecturale les plus impressionnantes obtenues par Hammond (Fig. 9). Dans son journal, elle est décrite comme provenant d’un château de la ville de Varennes (Somme) ce qui est repris dans un guide ultérieur portant sur le château. Il s’avère que cette attribution est inexacte et que l’erreur pourrait bien être un problème de prononciation. Il y a plusieurs années, des habitants de la ville de Varaignes (Dordogne), dans le Sud-Ouest de la France, ont cherché sur Internet des images d’un portail du château local qui avait disparu. Ils l’ont trouvé à Hammond Castle. Le château s’est détérioré au fil des siècles et, en tant que partie la plus remarquable de la structure, le portail a été vendu dans les années 1920, puis vendu à nouveau à Hammond par un marchand parisien au début des années 1930[22].

Fig. 9 : Portail, début du XVIe siècle, originaire de Varaignes (France) – Gloucester, Massachusetts : Hammond Castle Museum © Martha Easton

L’enlèvement de vestiges architecturaux médiévaux en Europe et leur reconstruction dans de nouveaux cadres en Amérique peut renvoyer à une sorte d’impérialisme violent[23]. En fait, on pourrait affirmer que les méthodes employées par les collectionneurs privés et institutionnels ont souvent entraîné la destruction et la dispersion de la culture matérielle. Les musées occidentaux en particulier sont remplis d’objets qui sont le résultat du colonialisme, parfois par le biais de l’appropriation du patrimoine culturel d’autrui, parfois par pillage pur et simple[24].

Plusieurs collectionneurs américains considéraient leurs pratiques comme un moyen de préservation historique et estimaient que l’enlèvement de fragments d’architecture était une manière d’assurer leur survie. Nombre de ces éléments étaient probablement déjà orphelins et fragmentaires, séparés depuis longtemps de leur contexte d’origine. Pourtant, le titre du New York Times de 1926, faisant allusion à la consternation des « villageois » lors de l’enlèvement du cloître de Ségovie, suggère un aspect plus sombre de l’histoire. Le langage utilisé pour justifier l’arrachement de certains vestiges était souvent paternaliste et condescendant, suggérant que, sans l’intervention de leurs nouveaux propriétaires américains, ces ensembles se seraient dégradés et auraient disparu, et même que les Européens étaient incapables d’évaluer l’importance artistique de leurs propres monuments culturels. Une publication de 1954 sur le cloître de Ségovie décrit le déclin des structures monastiques d’origine, transférées à un agriculteur au XIXe siècle et utilisées comme grenier à blé et lieu de stockage des outils agricoles. L’auteur écrit que la partie du monastère ayant survécu a été « oubliée, jusqu’au jour où, en 1925, un agent artistique de William Randolph Hearst l’a trouvée et reconnue pour ce qu’elle était réellement – l’un des plus beaux exemples existants d’architecture romane et gothique primitive et l’un des plus grands trésors artistiques du monde[25] ». En fait, il est clair que beaucoup de ces éléments architecturaux ont été acquis dans des circonstances douteuses, en utilisant des pratiques trompeuses qui ont souvent bafoué les lois destinées à arrêter l’hémorragie de vestiges hors des pays européens. Barnard lui-même en a fait sortir de France un grand nombre, dont des éléments du cloître de Cuxa, juste avant que le Sénat français n’adopte une loi destinée à mettre un terme à ces exportations. Il ne fait aucun doute que les cloîtres fragmentés et dénudés qui se trouvent encore sur place ont un caractère poignant, comme s’ils portaient le deuil de leurs membres perdus, les colonnes et les chapiteaux, loin de l’autre côté de la mer. Alors que des pressions de plus en plus fortes s’exercent aujourd’hui en faveur de la restitution de certains éléments arrachés à leur emplacement et à leur propriétaire d’origine, en particulier lorsqu’ils ont été obtenus par des moyens peu recommandables, il ne semble pas y avoir, jusqu’à présent, d’appel similaire pour que les États-Unis restituent les objets architecturaux récupérés en Europe.

La dispersion du patrimoine artistique et architectural de l’Europe nous rappelle que, dans de nombreux cas, les malheurs des peuples et la destruction de leur patrimoine artistique ont créé des opportunités pour les collectionneurs privés américains, qui, à une époque antérieure à l’impôt sur le revenu, ont construit d’énormes maisons en les remplissant d’œuvres d’art et d’architecture. L’appropriation et la réutilisation de la récupération architecturale médiévale était un moyen parfait pour l’élite financière de rechercher une légitimité à travers la possession et l’exposition d’objets historiques. Les pièces européennes et les intérieurs pseudo-européens donnaient à ces nouvelles collections le sens de la dignité que leurs propriétaires recherchaient[26]. La récupération de fragments d’architecture médiévale implantée dans ces intérieurs fonctionnait en quelque sorte comme des spolia et s’inscrivait par conséquent dans une longue tradition consistant à retirer des matériaux d’un endroit pour les réutiliser dans un autre[27]. Dans leur nouveau cadre américain, ils accumulent souvent des couches de signification et de sens qui vont au-delà de leur fonction originale. Cette réutilisation d’éléments architecturaux est bien sûr une forme de médiévalisme, un processus d’appréciation, d’appropriation et de représentation de la culture médiévale dans les périodes postmédiévales[28]. Réarrangés dans de nouvelles configurations, les vestiges monumentaux sont des objets tangibles du Moyen Âge qui, contre toute attente, survivent encore dans le présent. Ironiquement, de nombreux éléments architecturaux qui se sont retrouvés dans les collections américaines provenaient du cadre religieux d’églises et de monastères. Malgré leur nouvel emplacement séculier, ils fonctionnent à certains égards de la même manière que les reliques au Moyen Âge. Tout comme les restes de parties du corps remplacent l’ensemble intact, les fragments architecturaux sont devenus les vestiges vénérés d’un passé historique démantelé. Enchâssés dans un bâtiment historiciste ou dans la galerie d’un musée, ils dégagent une aura qui suggère la présence du « vrai » Moyen Âge. Pour les Américains en particulier, ces expositions contribuent à construire une vision nostalgique du passé médiéval, bien que dans un pays qui n’en a jamais eu. Pour certains, l’intégration de vestiges architecturaux médiévaux dans un cadre moderne avait une signification qui allait au-delà d’une simple collection. Dans une lettre adressée à son père, le scientifique et inventeur John Hays Hammond Jr. justifie sa nouvelle résidence par une combinaison excentrique de styles architecturaux médiévaux :

« Mon ambition est de laisser un musée modeste mais magnifique. Je ne veux qu’une atmosphère authentique, quelques meubles et des pièces architecturales authentiques, des portes, des fenêtres etc. Dans la froideur de la Nouvelle-Angleterre, un lieu à la beauté romantique du passé italien et français pourrait inspirer de nombreux artistes et étudiants pauvres […] Dans quelques années, après ma disparition, toutes mes créations scientifiques seront démodées et oubliées […] Je veux construire quelque chose en pierre dure et y graver, pour la postérité, un nom dont je serai fier à juste titre[29]. »

Pour Hammond, Rockefeller, Hearst et d’autres collectionneurs du début du XXe siècle, leurs présentations historicistes de l’art et de l’architecture du Moyen Âge (et souvent pseudo-médiévaux) étaient leur héritage pour le public américain – des lieux qui pouvaient être éducatifs, voire inspirants, en particulier pour les Américains qui ne pouvaient pas voyager pour voir l’art et l’architecture médiévaux in situ. L’expérience phénoménologique de la marche dans de tels espaces, ancrés dans des éléments architecturaux médiévaux, a permis de faire l’expérience de l’histoire avec le corps et l’esprit, suggérant une atmosphère d’authenticité, même si très peu d’éléments de cette expérience étaient réellement authentiques[30].

Dans certains cas, des éléments architecturaux médiévaux manquants ont été reconstruits à leur emplacement d’origine. Un portail du château de la Roche-Gençay (Vienne), enlevé lors de restaurations au XIXe siècle, s’est retrouvé dans la propriété Rockefeller à New York, puis a été donné en 1940 aux Cloisters, où il sert d’entrée à la galerie exposant les célèbres tapisseries de la Licorne (Fig. 10).

Fig. 10 : Portail gothique, 1520-1530 (France) © New York : The Cloisters Collection, 40.173.3 (Domaine public/libre accès)

Une copie de cette porte orne aujourd’hui le château. À l’abbaye cistercienne de Notre-Dame de Planselve (Gers), la restauration des bâtiments abbatiaux a commencé et une version moderne a été installée à l’emplacement de la porte originale offerte par George Blumenthal aux Cloisters[31]. Lorsque les habitants de Varaignes ont trouvé leur porte, ils se sont rendus à Hammond Castle pour prendre les mesures nécessaires à la création d’une réplique exacte. Ces copies recréées de vestiges médiévaux perdus démontrent d’une certaine manière à quel point l’idée d’authenticité est insaisissable, puisqu’elles sont souvent restaurées dans des cadres qui ne sont plus « originaux » au sens propre du terme. En réalité, le Moyen Âge « authentique » est un mythe sur le passé qui est continuellement réimaginé dans le présent ; certains chercheurs ont suggéré que les médiévistes eux-mêmes participent au médiévalisme puisque, au lieu de récupérer l’histoire du Moyen Âge, ils la créent à chaque nouvelle exploration et reconstruction du passé[32]. Avec le temps, des structures historicistes comme le Met-Cloisters ou Hammond Castle sont devenues des artefacts historiques à part entière, commémorant un moment particulier de l’histoire de la collection et de l’exposition de l’art médiéval aux États-Unis. En 2028, Le Met-Cloisters fêtera le 90e anniversaire de son ouverture ; en 2029, Hammond Castle fêtera à son tour son 100e anniversaire. Malgré cela, ces installations romantiques d’art et d’architecture médiévaux restent durablement populaires auprès des Américains et la présence de vestiges architecturaux crée un lien viscéral avec le passé et un voyage virtuel dans le temps jusqu’au Moyen Âge. Même si les visiteurs savent aujourd’hui qu’il s’agit de simples inventions, ils continuent à faire le voyage avec plaisir.

 

Notes

* Toutes les URL ont été consultés en juillet 2025.

[1] Goldfarb H. T, The Isabella Stewart Gardner Museum: A Companion Guide and History, New Haven, Yale University Press, 1995 ; Chong A., Lingner R., Zahn C. (éd.), Eye of the Beholder: Masterpieces from the Isabella Stewart Gardner Museum, Boston, Isabella Stewart Gardner Museum, 1987.

[2] Brennan C. E., « The Brummer Gallery and Medieval Art in America, 1914-1947 », Biro Y., Brennan C. E., Force C. H. (éd)., The Brummer Galleries, Paris and New York. Studies in the History of Collecting and Art Markets, New York, Brill, 2023, p. 317-355 ; Brilliant V. (éd), Gothic Art in America. Journal of the History of Collections, Special issue, vol. 27, n° 3, 2015 ; Smith E. B. (éd.), Medieval Art in America: Patterns of Collecting, 1800–1940, University Park, Palmer Museum of Art, The Pennsylvania State University, 1996.

[3] Chong A., « Émile Gavet: Patron, Collector, Dealer », Gothic Art in the Gilded Age: Medieval and Renaissance Treasures in the Gavet-Vanderbilt-Ringling Collection, cat. exp., Sarasota, John and Mabel Ringling Museum of Art, 2009, p. 1-21.

[4] Voir Miller P. F., « Alva Vanderbilt Belmont, arbiter elegantiarum, and her Gothic Salon at Newport, Rhode Island », ibid., p. 347-362 ; Miller P. F., « A Labor in Art’s Field: Alva Vanderbilt Belmont’s Gothic Room at Newport’ », ibid., p. 22-35.

[5] Gothic Art in the Gilded Age: Medieval and Renaissance Treasures in the Gavet-Vanderbilt-Ringling collection, cat. exp., Sarasota, John and Mabel Ringling Museum of Art, 2009.

[6] Brugeat C., « Monuments on the Move: The Transfer of French Medieval Heritage Overseas in the Early Twentieth Century », Journal for Art Market Studies, vol. 2, 2018, p. 1-19 ; Ziolkowski J. M., « Cloistering the USA: Everybody Must Get Stones », The Juggler of Notre Dame and the Medievalizing of Modernity, vol. 4 : Picture That: Making a Show of the Jongleur, Cambridge, Open Book Publishers, 2018, p. 259-298.

[7] Husband T. B., Creating The Cloisters. Metropolitan Museum of Art Bulletin, vol. 70, n° 4, 2013 ; Smith E. B., « George Grey Barnard: Artist/Collector/Dealer/Curator », Smith E. B. (éd.), Medieval Art in America: Patterns of Collecting, 1800-1940, University Park, Palmer Museum of Art, The Pennsylvania State University, 1996, p. 133-142 ; Schrader J. L., « George Grey Barnard: The Cloisters and the Abbaye », Metropolitan Museum of Art Bulletin, vol. 37, n° 1, 1979, p. 3-52.

[8] Pour en savoir plus sur la décoration du cloître de Cuxa, voir Dale T. E. A., « Monsters, Corporeal Deformities, and Phantasms in the Cloister of St-Michel-de-Cuxa », The Art Bulletin, vol. 83, n° 3, 2001, p. 405-430.

[9] Putney R. H., Medieval Art, Medieval People : The Cloister Gallery of the Toledo Museum of Art, Toledo, Toledo Museum of Art, 2002.

[10] Cahn W., « Romanesque Sculpture in American Collections. XI. The Philadelphia Museum of Art », Gesta, vol. 13, n° 1, 1974, p. 45-63.

[11] Curran K., The Invention of the American Art Museum: From Craft to Kulturgeschichte, 1870-1930, Los Angeles, Getty Research Institute, 2016.

[12] Harris J., Moving Rooms: The Trade in Architectural Salvages, New Haven, Yale University Press, 2007.

[13] Kastner V., « William Randolph Hearst: Maverick Collector », Gothic Art in the Gilded Age: Medieval and Renaissance Treasures in the Gavet-Vanderbilt-Ringling Collection, cat. exp., Sarasota, John and Mabel Ringling Museum of Art, 2009, p. 413-424 ; Levkoff M. L., Hearst: The Collector, New York, Abrams ; Los Angeles, Los Angeles County Museum of Art, 2008 ; Kastner V., Hearst Castle: The Biography of a Country House, New York, Harry N. Abrams, 2000.

[14] Art Objects and Furnishings from the William Randolph Hearst Collection: Catalogue Raisonné Comprising Illustrations of Representative Works Together with Comprehensive Descriptions of Books, Autographs and Manuscripts and Complete Index, New York, William Bradford Press, 1941, p. 320, as A Cloister Consisting of Forty-Five to Forty-Seven Arches, French – from the End of XIII or Beginning of XIV Cen.

[15] « Hearst Importing a Spanish Cloisters: 10th Century Structure is Being Brought Here Stone by Stone », New York Times, December 14, 1926, p. 1.

[16] Pour des informations biographiques sur Hammond, see Dandola J., Living in the Past, Looking to the Future: The Biography of John Hays Hammond, Jr.: Addendum, Glen Ridge, The Quincannon Publishing Group, 2020 ; Dandola J., Living in the Past, Looking to the Future: The Biography of John Hays Hammond, Jr., Glen Ridge, The Quincannon Publishing Group, 2004 ; Rubin N., John Hays Hammond, Jr.: A Renaissance Man in the Twentieth Century, Gloucester, Hammond Castle Museum, 1987. Cette dernière a été mise à jour dans une version Kindle numérisée : Stuart N. R., John Hays Hammond, Jr.: The Father of Remote Control, 2018.

[17] Easton M., « Fabricating the Past at Hammond Castle: Alceo Dosenna, Art Dealers, and Deception », Journal of the History of Collections, vol. 34, n° 2, 2022, p. 335-350. Robert Cohon a travaillé sur les objets romains et pseudo-romains du château de Hammond, bien que ses nombreuses découvertes sur leur provenance et leur authenticité ne soient pas encore publiées.

[18] Brugeat C., « The French Franciscan Cloister in New York », Perspectives, 2012, en ligne : https://www.metmuseum.org/perspectives/french-franciscan-cloister.

[19] Les liens entre l’arcade du cloître du château de Hammond et le monastère d’Auch ont été établis par plusieurs chercheurs. Voir Brugeat C., « Le “cloître de Montréjeau”, un ensemble pyrénéen remonté aux Bahamas », Les Cahiers de Saint-Michel-de-Cuxa, vol. 44, 2013, p. 183-193 ; Ihlein-Anglezio M., « Le couvent des Cordeliers d’Auch », Bulletin de la Société archéologique, historique, littéraire et scientifique du Gers, n° 2, 2005, p. 155-171 ; n° 3, 2005, p. 279-294 ; Comminges E. (de), « Les chapiteaux du château de Hammond », Revue de Comminges, 1978, p. 485-491.

[20] Je remercie Jennifer Borland pour cette information.

[21] Hammond Castle Archives : Hammond Jr. J.H., entrée de journal, 11 août 1926.

[22] Easton M., « Lost and Found: The Missing Flamboyant Gothic Door from the Château de Varaignes », Perspectives médiévales. Revue d’épistémologie des langues et littératures du Moyen Âge, vol. 41, 2020, en ligne : http://journals.openedition.org/peme/21255.

[23] Davis K., « Tycoon Medievalism, Corporate Philanthropy, and American Pedagogy », p. 781-800 et Irish S., « Whither Tycoon Medievalism: A Response to Kathleen Davis », p. 801-805, les deux dans Middle America. vol. 22, n° 4, special issue : American Literary History, 2010.

[24] Voir par exemple Hicks D., The Brutish Museums: The Benin Bronzes, Colonial Violence and Cultural Restitution, Londres, Pluto Press, 2020.

[25] Bondurant J., The Strange Story of the Ancient Spanish Monastery, Miami, Monastery Gardens, 1954, p. 22-23.

[26] Pour en savoir plus sur les connotations du médiéval aux États-Unis et dans d’autres régions en dehors de l’Europe, voir Davis K., Altschul N. (éd), Medievalisms in the Postcolonial World: The Idea of “the Middle Ages” Outside Europe, Baltimore, The Johns Hopkins University Press, 2009.

[27] Pour en savoir plus sur les spolia, voir Brilliant R., Kinney D. (éd), Reuse Value: Spolia and Appropriation in Art and Architecture from Constantine to Sherrie Levine, Farnham, Ashgate, 2011.

[28] Le médiévalisme fait l’objet d’un nombre croissant d’études : voir par exemple Emery E., Utz R. (éd), Medievalism: Key Critical Terms, Cambridge, Brewer, 2014 ; Pugh T., Weisl A. J., Medievalisms: Making the Past in the Present, New York, Routledge, 2012 ; Diebold W. J., « Medievalism », Studies in Iconography, vol. 33, special issue : Medieval Art History Today – Critical Terms, 2012, p. 47-56.

[29] Hammond Castle Museum Archives : Hammond Jr J. H. à J. H. Hammond Sr [s.d.] : « My ambition is to leave a modest, but beautiful museum. I want only an authentic atmosphere, some furniture, and genuine architectural pieces, doors, windows, etc. In cold restrained New England, a place with the romantic beauty of the Italian and French past may prove the inspiration of many poor artists and students to come… In a few years, after I am gone, all my scientific creations will be old-fashioned and forgotten… I want to build something in hard stone and to engrave on it for posterity a name of which I am justly proud. »

[30] Voir la discussion dans Trigg S., « Walking through Cathedrals: Scholars, Pilgrims, and Medieval Tourists », Scase W., Copeland R., D. Lawton D. (éd), New Medieval Literatures, Oxford, Clarendon Press, 2005, vol. 7, p. 9-33.

[31] Wu N., « Roriczer, Schmuttermayer, and Two Late Gothic Portals », Nolan K., Sandron D. (éd), Arts of the Medieval Cathedrals: Studies on Architecture, Stained Glass and Sculpture in Honor of Anne Prache, Surrey, Ashgate, 2015, p. 71-90.

[32] Voir par exemple Diebold W. J., « Medievalism », Studies in Iconography, vol. 33, special issue : Medieval Art History Today – Critical Terms, 2012, p. 247-256.

 

Pour citer cet article : Martha Easton, "Revivalisme, authenticité et éthique : les collections de « récupération » architecturale médiévale du début du XXe siècle aux États-Unis", exPosition, 3 novembre 2025, https://www.revue-exposition.com/index.php/articles11/easton-collections-recuperation-architecturale-medievale/%20. Consulté le 17 décembre 2025.

(Dé)construire l’image du Wisigoth. L’exposition Wisigoths. Rois de Toulouse (musée Saint-Raymond, musée d’Archéologie de Toulouse, 2020)

par William Trouvé

 

William Trouvé est ingénieur d’études, chargé de mission patrimoine écrit régional au Centre d’études supérieures de la Renaissance à Tours (UMR 7323 CNRS) et docteur en histoire du Moyen Âge. Sa thèse de doctorat porte sur les processus d’écriture, de transmission et de réception des listes de noms de rois du haut Moyen Âge occidental (royaumes francs, wisigothiques, lombards et anglo-saxons).

 

La période européenne correspondant au haut Moyen Âge (fin du Ve-IXe siècle) demeure encore, malgré les avancées scientifiques et archéologiques, souvent mal-aimée et empreinte de clichés. Ceci explique probablement pourquoi les expositions consacrées aux sociétés issues de cette époque restent rares dans les musées français[1]. L’inauguration de l’une d’entre elles est toujours un petit événement pour les amoureux de cette période. En 2020, le musée Saint-Raymond, musée d’Archéologie de Toulouse, a présenté Wisigoths. Rois de Toulouse, du 27 février au 27 décembre[2]. La réalisation de cette exposition en cette année 2020 n’était pas fortuite. En remontant près de 1600 ans en arrière, vers 418-419, on se rappelle que, en vertu d’un traité, les Wisigoths furent installés par l’empereur romain d’Occident Honorius dans un espace correspondant grosso modo au sud-ouest de la France actuelle – la province d’Aquitaine seconde, ainsi que probablement la Novempopulanie et certains territoires de la Narbonnaise première[3]. Ils exercèrent dès lors leur autorité sur ce territoire. Des mentions brèves contenues dans les sources historiographiques des Ve et VIe siècles laissent également entendre que les Wisigoths avaient très vraisemblablement choisi la cité de Tolosa pour y fixer leur principale résidence royale[4]. C’est donc pour marquer cet « anniversaire », célébrant la naissance du « royaume wisigothique de Toulouse », que les commissaires d’exposition – Laure Barthet, conservatrice du musée toulousain, et Jean-Luc Boudatchoux, archéologue de l’Inrap – ont conçu cette manifestation ; heureux prétexte pour parler d’un peuple méconnu du grand public[5].

Contrairement à ce que laisse penser le titre de l’exposition, le déroulé chronologique du parcours ne débutait pas en 418/419. Il démarrait aux temps primitifs et s’achevait en 507, date à laquelle ce peuple fut refoulé en Hispanie par les Francs. Dès lors, c’est à une (re)découverte de l’histoire gothique sur plusieurs siècles que le public a été convié. Pour retracer l’itinéraire de ce peuple et en dessiner les traits culturels, le propos s’est appuyé sur les données de l’archéologie. Outre les propres collections du musée Saint-Raymond, près de 250 objets provenant de musées français et européens – dont le Kunsthistorisches Museum de Vienne, le musée archéologique national de Madrid ou encore le musée national d’histoire de la Moldavie – y ont été exposés. Du mobilier inédit issu de fouilles archéologiques récentes et menées dans la région toulousaine y a également été présenté, mettant ainsi en valeur les résultats de l’archéologie préventive.

Les objectifs de l’exposition, tels qu’ils ont été affichés dès l’entrée dans le parcours, ont été doubles. D’une part, il s’agissait de sensibiliser le grand public à un pan d’histoire locale souvent méconnu, dans une visée de réappropriation du passé[6]. D’autre part, la manifestation cherchait à déconstruire l’image du Wisigoth barbare, cet étranger aux mœurs primaires qui aurait vécu lors des temps obscurs[7]. Dans cet article, nous nous proposons de décrire les moyens mis en œuvre par le musée pour répondre à ces deux finalités, tout en essayant de déterminer leur pertinence ainsi que leurs limites.

Du lieu de monstration à l’espace sous vitrine : atouts et faiblesses de la scénographie

Il faut signaler d’emblée que le musée Saint-Raymond est installé dans un ancien collège universitaire du début du XVIe siècle, classé au titre des Monuments historiques depuis 1975. Des contraintes techniques inévitables ont pesé sur la conception intellectuelle et matérielle de l’exposition. La salle dévolue aux expositions temporaires est située au rez-de-chaussée du bâtiment, jouxtant l’espace accueil-boutique. Elle n’est évidemment pas modulable à l’envi. Les hauts murs doivent rester en l’état et, de fait, conservent constamment leur aspect rocailleux malgré un enduit couleur sable. Cette austérité s’est logiquement répercutée sur l’atmosphère de l’exposition.

Aucune lumière extérieure ne pénétrait dans l’espace de monstration : les jours et les baies avaient été obstrués. L’éclairage provenait d’un dispositif lumineux qui avait été pensé pour respecter l’intégrité de certains objets fragiles, comme un manuscrit carolingien, et pour favoriser la mise en valeur d’autres pièces, comme les sculptures en marbre. Les panneaux explicatifs étaient également éclairés afin de faciliter leur lecture. Finalement, le reste de l’espace était plongé dans la pénombre. Ceci n’empêchait nullement de circuler de façon aisée ni de profiter des œuvres, à la condition que le nombre de visiteurs restât limité. Cette prépondérance de l’obscurité était évidemment subie par les concepteurs de l’exposition. Il est évident qu’ils ont tenté de composer avec les défauts du lieu et les exigences de la conservation.

Si un faible éclairage s’entend parfaitement pour garantir la meilleure conservation possible des objets, nous avons moins compris les choix graphiques qui évoquaient un monde ténébreux et sombre. La palette de couleurs de l’exposition comprenait du noir, du blanc, du rouge et du rouge-orangé. La composition visuelle des panneaux rectangulaires était généralement identique : une bande rouge habillait tout le côté gauche, puis celle-ci s’évanouissait peu à peu en tirant vers l’orangé avant de laisser place à un fond noir ou blanc. Les pilastres rouges, qui ponctuaient le parcours en différents endroits pour annoncer l’entrée dans une nouvelle section, étaient quant à eux uniformes. Enfin, le style des écritures était sobre, tantôt en noir tantôt en blanc.

Ce jeu de couleurs, entre rouge et noir, s’il offrait une certaine élégance, ne nous a pas semblé pertinent pour une exposition qui ambitionnait de déconstruire l’image traditionnelle du barbare. Sa charge symbolique la rattache aux clichés véhiculés par les « temps obscurs ». Ce syntagme désigne une vision négative et désuète du Moyen Âge, période pendant laquelle l’homme aurait délaissé la culture brillante des Anciens pour la guerre et la trivialité. Cette expression serait d’autant plus pertinente pour les sociétés du haut Moyen Âge que celles-ci ont laissé peu de traces scripturaires, ce qui témoignerait d’un manque d’intérêt et d’entretien pour la culture de l’écrit. Cette vision décadente du Moyen Âge a eu des transpositions muséographiques, à commencer par le musée des Monuments français d’Alexandre Lenoir (1795-1816). Les salles dédiées à l’art du Moyen Âge y étaient plongées dans la pénombre alors que les espaces consacrés aux époques postérieures bénéficiaient d’une belle luminosité ; cette mise en scène valorisait les progrès de la civilisation[8]. L’exposition toulousaine n’a évidemment pas cherché à restituer cette vision obsolète du Moyen Âge. Toutefois, en la replaçant dans une histoire des représentations muséales, sa charte graphique apparaît maladroite. L’affiche de la manifestation, portant le titre Wisigoths. Rois de Toulouse en rouge orangé sur un fond noir, nous a semblé cristalliser – involontairement ? – l’idée d’un peuple sortant des âges sombres du Moyen Âge. Il aurait été plus intéressant de proposer un graphisme audacieux et moins conventionnel, qui fasse écho aux ambitions de l’exposition.

Le mobilier répondait à une évidente simplicité. Les tables et les bornes vidéos étaient de forme rectangulaire et noires tandis que des murs bas, clôturant les différents espaces du parcours, alliaient le blanc au noir. Même si ce choix esthétique renforçait l’ambiance quelque peu austère, il nous a paru pertinent. En raison de son caractère sobre, ce mobilier s’est effacé sous le regard du visiteur, laissant toute leur place aux collections et compensant l’étroitesse du lieu de monstration. En effet, le parcours était délimité en couloirs et en « salles » relativement exigus, ce qui a parfois empêché le dialogue avec les œuvres. Ainsi, lorsqu’on se trouvait en compagnie d’autres visiteurs, une certaine agilité était parfois nécessaire pour observer le mobilier funéraire mis sous vitrine. Il était aussi difficile d’obtenir un recul efficace pour apprécier les statues de Diane chasseresse, de Bacchus adolescent[9] et de la Vénus de Chiragan[10], regroupées dans un même couloir étroit, ou d’apprécier la partie dédiée aux découvertes archéologiques de Seysses.

Heureusement, la mise en scène épurée des objets a favorisé certaines rencontres. Regroupées par thèmes, les collections sous vitrine ont été disposées de façon harmonieuse et dynamique : disposition parallèle et en diagonale par rapport au présentoir, rehaussement de certaines pièces grâce à des socles. Par exemple, la vitrine consacrée à la figure de l’aigle comportait deux appliques de harnachement en grenat, installées sur un socle gris, ce qui amenait le visiteur à y déposer le regard et prendre le temps de les observer. Nous avons regretté que, d’une manière générale, la mise en exposition des objets ait moins servi à valoriser leurs particularités qu’à illustrer le propos écrit. Néanmoins, la valeur intrinsèque de certaines pièces était soulignée par certains procédés d’exposition, à l’image de la sculpture « portrait de femme », dont on aurait très envie de croire qu’il s’agit de la reine wisigothique d’ascendance impériale, Galla Placidia[11]. Cette tête, par sa morphologie singulière et par sa mise en scène scénographique qui lui donnait l’impression de surgir de derrière un pilastre, surprenait le visiteur. Réalisée en marbre blanc de Saint-Béat, elle est étonnamment allongée. Ses traits sont austères, mais élégants. L’ensemble produit sinon un envoûtement, du moins une fascination. En dépit des contraintes techniques auxquelles ils ont dû faire face, les commissaires d’exposition sont parvenus à instaurer un dialogue entre cette pièce remarquable et le visiteur.

Le parcours et le discours muséal, reflets de partis pris historiographiques

Le parcours de l’exposition était chrono-thématique. Il se composait de cinq sections successives : 1) les origines, 2) les Wisigoths dans l’Empire, 3) le royaume de Toulouse, 4) une découverte exceptionnelle, 5) la chute du royaume[12]. Il a été traduit dans l’espace muséographique par un sens de visite unique, excepté pour la quatrième section qui était cloisonnée sur trois côtés, de manière à souligner son originalité. L’entrée dans chaque thème était matérialisée par des pilastres rouges, sur lesquels étaient inscrits un numéro et un titre.

Pour chaque section, le discours muséal s’est essentiellement appuyé sur des textes écrits. Aux panneaux placés sur les cimaises, à hauteur du regard, répondaient en dessous des objets sous vitrines, installés sur des présentoirs horizontaux, excepté pour les objets trop volumineux comme la colonne provenant de la Daurade. Des cartels proposaient une remise en contexte des pièces archéologiques et étaient parfois pourvus d’une explication relativement conséquente. Certains dispositifs sont venus briser cette monotonie comme des bornes vidéos, une maquette, une carte « des royaumes barbares, l’Empire romain d’Orient à la fin du Ve siècle » placée sur le sol, une généalogie, la reconstitution d’un équipement militaire du IVe siècle ou des crânes humains installés à l’intérieur d’un présentoir colonne dans la quatrième partie.

Le découpage intellectuel du parcours et sa traduction muséographique étaient adaptés aux attentes d’un visiteur cherchant à découvrir et à comprendre l’histoire wisigothique à partir d’une expérience de visite classique. Ils répondaient ainsi à la visée didactique de l’exposition.

Muséographier l’histoire d’une période ou d’un peuple revient toujours à écrire et à interpréter cette histoire. Le choix d’un sujet comme le « royaume wisigothique de Toulouse » n’est pas anodin pour le musée Saint-Raymond puisque l’établissement est situé sur un territoire où le souvenir des Goths est encore présent. Pour le visiteur averti, la crainte est de voir se dérouler devant lui une histoire dévoyée, en raison d’une méthodologie scientifique trop faible, et réinterprétée en fonction de motifs sinon politiques, du moins anachroniques. Tel n’était pas le cas pour l’exposition Wisigoths. Rois de Toulouse. Au contraire, elle a fait entendre la voix de la recherche scientifique auprès du grand public. Ceci est si rare qu’il faut le souligner. Jusqu’à récemment, la diffusion de l’histoire wisigothique à l’échelle de la région Occitanie a été le fait d’historiens et de militants occitanistes, à travers l’organisation de manifestations publiques ou la publication d’ouvrages de vulgarisation[13]. L’exposition du musée Saint-Raymond a été une réponse aux partisans d’une histoire occitane qui inclut la période wisigothique. Par exemple, au sujet de la reine wisigothique Pédauque, dont le nom provient de l’occitan pè d’auca, les commissaires d’exposition ont rappelé que « [son] existence […] n’est, bien sûr, pas avérée [et qu’] il s’agit sûrement d’une création folklorique[14] ». De même, ils ont précisé que « la mode des crânes allongés” toulousaine[15] » n’est pas l’héritage direct d’une pratique similaire identifiée dans des tombes wisigothiques de la région toulousaine.

Ce rejet de l’interprétation régionaliste de l’histoire wisigothique s’est également deviné à travers la mise en exposition de deux objets. Le sceau du roi wisigothique Alaric II, probablement réalisé au Ve siècle, et le fac-similé de l’anneau sigillaire du souverain mérovingien Childéric – dont l’original, volé en 1831, fut sans doute fabriqué sous le règne du souverain entre 457 et 482 – étaient présentés l’un à côté de l’autre, sous la même vitrine, ce qui les isolait du reste de la collection. Un cartel évoquait leurs « similitudes[16] », sans plus d’explications. Bien que lapidaire, ce constat était une invitation faite au visiteur à observer ces objets ensemble et à les comparer. Cette présentation nous a semblé éminemment symbolique. Plutôt que d’opposer brutalement les Wisigoths aux Mérovingiens – ce que font certains discours occitanistes abordant les origines des Occitans et des Français –, les concepteurs de l’exposition ont proposé d’appréhender la culture matérielle de ces deux peuples à partir d’objets qui les lient et selon une démarche scientifique : l’observation des sources.

Si le discours de l’exposition s’est appuyé sur les résultats de la recherche scientifique, il contenait néanmoins quelques approximations qui généraient parfois des confusions. Ce constat vaut, hélas, pour le cœur du sujet. L’existence d’un « royaume wisigothique de Toulouse » antérieur aux années 476-477 – soit avant la disparition de l’Empire romain d’Occident – ne fait pas consensus parmi les spécialistes. Ce n’est pas le lieu de revenir sur les sources et les travaux qui traitent de la question[17]. Il convient plutôt de s’interroger sur la position prise par le musée toulousain dans ce débat. Dans le panneau d’introduction, à l’entrée, il était expliqué que « Tolosa […] devient, au fur et à mesure des événements, capitale d’un territoire souvent désigné comme le royaume de Toulouse[18] ». Cette remarque fait écho aux recherches actuelles qui considèrent que la réalité d’un « royaume wisigothique de Toulouse » est incertaine, voire impossible avant 476-477, mais incontestable après cette date[19]. Dans la troisième section, les explications sont devenues plus confuses[20]. Les différentes hypothèses à propos de la réalité du « royaume de Toulouse » étaient expliquées dans le panneau liminaire. Puis, il était affirmé que son existence était certaine sous le règne du roi wisigothique Euric (466-484) et indiscutable dès la disparition de l’autorité impériale en 476. Pourtant, l’intitulé de cette troisième thématique était bien « Le royaume de Toulouse (418/419-507) », sous-entendant qu’il existait dès l’installation des Goths dans la cité toulousaine et non après la déposition du dernier empereur romain d’Occident. Une carte empruntée à l’historien Michel Rouche[21] illustrait également la « formation du royaume de Toulouse, 419-476 ». Titres et textes explicatifs se contredisaient donc quelque peu, ce qui pouvait créer des confusions dans l’esprit du visiteur, voire l’induire en erreur sur l’état actuel de la recherche. S’il est certain que les commissaires d’exposition maîtrisent l’état de l’art sur cette question historiographique, ils ont néanmoins usé d’approximations pour la rendre accessible, quitte à en affaiblir la compréhension. La tension entre l’exposé scientifique et sa vulgarisation a ici produit un discours décevant.

Une seconde faiblesse dans le discours de l’exposition concerne le traitement de la migration des Goths, phénomène qui précèderait leur entrée dans l’Empire romain. Notons d’ores et déjà que, d’une manière générale, les choix graphiques ont pleinement exploité cette thématique : les panneaux étaient agrémentés de bandes géométriques tantôt droites, tantôt arrondies qui délimitaient les textes et les reliaient entre eux. Ces formes favorisaient un sens de lecture tout en pouvant être interprétées comme la transposition symbolique d’un itinéraire, d’un déplacement entre plusieurs zones. Plus spécifiquement, le thème de la migration a été dévolu à la première section, qui, pour le traiter, a été divisée en deux espaces muséographiques correspondant à deux étapes migratoires. En outre, chaque espace associait le peuple des Goths à une culture archéologique protohistorique. Le premier était consacré aux légendes qui situent le territoire d’origine des Goths en Scandinavie et qui relatent leur migration dans les régions septentrionales de la Pologne actuelle. Des découvertes archéologiques semblent recouper les textes puisque dans cette dernière zone y a été mis au jour du mobilier funéraire, issu de la culture de Wielbark, dont des éléments de parure étaient présentés au sein de l’exposition. Bien entendu, aucune preuve ne permet de lier avec certitude les Goths à la culture de Wielbark. À nouveau, les auteurs ont oscillé entre la rigueur de la démarche scientifique – par l’emploi de propositions au conditionnel, comme « le mythe rejoint peut-être la réalité archéologique […] [;] de cette fusion serait née l’ethnie des Goths et la culture archéologique associée : la culture de Wielbark[22] », ou par l’usage de formules neutres, comme « [les] « femmes de la culture de Wielbark[23] » – et des raccourcis plus malheureux – « les Goths du territoire de Wielbark[24] ». L’espace suivant s’intéressait au second temps de la migration. Les « porteurs de la culture de Wielbark[25] » s’établirent en Scythie, c’est-à-dire un territoire allant de l’Ukraine actuelle aux bords du Danube de la Roumanie contemporaine, en longeant les rives de la mer Noire. La culture archéologique associée aux peuples de ces territoires est celle de Tcherniakhov. L’exposé, même s’il restait prudent, s’est autorisé des considérations rapides : « [la culture de Tcherniakhov] est directement liée à l’histoire ancienne des Wisigoths[26] ». Si les cultures de Wielbark et de Tcherniakhov disposent de liens incontestables, leur association avec l’histoire gothique est moins évidente, dans la mesure où les sources écrites à propos de la migration des Goths sont largement postérieures à ce phénomène et, de fait, peu fiables.

Depuis une quinzaine d’années, les historiens français du haut Moyen Âge ont souligné le manque de tangibilité des données archéologiques concernant le parcours migratoire des peuples altomédiéviaux, tout en contestant la pertinence historique des récits d’origine, à savoir les textes historiographiques qui retracent l’errance de ces peuples avant leur entrée dans le monde impérial romain et qui ont été écrits bien après les faits qu’ils relatent[27]. Le thème de la migration est un topos que partagent les récits d’origine des Goths, des Lombards, des Francs et des Anglo-Saxons. Il se fonde sur le modèle vétérotestamentaire[28]. L’itinéraire des Goths, tel qu’il est décrit dans l’exposition de Toulouse, est emprunté à l’ouvrage De origine actusque Getice gentis ou Getica de Jordanès, rédigé à Constantinople au milieu du VIe siècle, soit à une époque où les Wisigoths, qui avaient été délogés de Toulouse depuis quelques décennies, étaient bien établis en Hispanie et où les Ostrogoths dominaient une partie de la péninsule Italienne. Comme il est indiqué dans la première section de l’exposition, Jordanès s’est appuyé sur une histoire perdue des Goths écrite par Cassiodore, en entremêlant faits historiques et évènements légendaires. L’historienne Magali Coumert a montré que Jordanès n’avait pas seulement exploité l’œuvre de Cassiodore, mais également un répertoire de sources grecques et latines, dont la Géographie de Ptolémée, pour retracer le parcours des Goths[29]. Ce parcours – qui débute en Scandia (Scandinavie), passe par la Scythie et se termine dans l’Empire romain – se développe dans un cadre spatial conforme à l’ethnographie antique, depuis les limites du monde connu par les auteurs latins jusqu’aux rivages de la Méditerranée. Pour l’historienne, le récit tardif de cette migration ne peut pas être considéré comme une preuve historique fiable à propos des temps très anciens, mais doit être envisagé selon une perspective symbolique. Le parcours migratoire doit être entendu comme la « progression de l’indistinct vers le défini, de la barbarie vers la civilisation[30] ». L’étude riche et convaincante de Magali Coumert est un jalon récent, mais essentiel dans l’historiographie des peuples du haut Moyen Âge, et en particulier celle des Goths. Il est dommage que les commissaires de l’exposition n’aient pas accordé une place à cette interprétation acceptée par les historiens français de l’Antiquité tardive et du haut Moyen Âge[31].

Nous avons abordé deux cas qui pointent les faiblesses scientifiques de l’exposition. Pour autant, il s’agit de thèmes qui font actuellement débat au sein de la communauté scientifique. Cet aspect peut sans doute expliquer ces lacunes – les seules que nous ayons relevées. Elles ne sauraient masquer les grandes réussites du discours muséal. En accord avec les courants historiographiques actuels, celui-ci ne parle jamais d’ « invasions barbares » et n’aborde pas la disparition de l’Empire romain d’Occident selon une perspective décadente. Les formulations sont généralement neutres, ce qui permet de suivre et de comprendre l’histoire des Goths sans a priori. En outre, la description de la méthode archéologique dans la quatrième section est à la fois pertinente et didactique, et certaines formulations sont parfois agréablement provocantes[32]. En cela, l’objectif d’évacuer les lieux communs attachés à la figure du Wisigoth, à partir d’une démarche scientifique parfaitement explicitée, est atteint.

Des dispositifs de médiation conçus à partir d’une influence assumée du médiévalisme et d’une approche ludique du musée

La médiation autour de l’exposition ne se réduisait pas aux textes écrits (panneaux, cartels) et à la présentation des objets. Ces autres dispositifs apportaient d’ailleurs une réelle plus-value à la visite et s’appuyaient volontairement sur des représentations de l’époque wisigothique se raccrochant à un imaginaire médiéval contemporain et populaire. Ainsi, dès l’entrée, un panneau indiquait que l’un des parcours audioguidés avait été conçu dans l’esprit de la série télévisée Kaamelott, dont le succès repose sur un emploi parodique et anachronique de l’histoire de la Table ronde, mais également des sociétés de l’Antiquité tardive et du haut Moyen Âge[33]. Un peu plus loin, deux bornes vidéos invitaient à regarder des films d’animation, dont l’un portait sur la bataille d’Andrinople (378). Les graphismes en 3D rappelaient en outre ceux de certains jeux vidéos. Enfin, la deuxième section se concluait par la « reconstitution d’un équipement militaire du IVe siècle pouvant appartenir à un Goth ou un Romain », empruntée probablement à un matériel de reconstitution historique.

Cette démarche, qui consiste à représenter l’époque wisigothique, renvoie au concept du médiévalisme, entendu ici comme l’ensemble des représentations du Moyen Âge au sein d’une culture post-médiévale[34]. Les représentations proposées au sein de l’exposition avaient été formées à partir d’un imaginaire partagé par les commissaires, les muséographes et le visiteur. Elles n’étaient évidemment pas anodines. Puisqu’elles étaient connues d’une partie du grand public, qui a pour habitude de les rencontrer dans de nombreux médias contemporains (séries télévisées, films, bandes dessinées, jeux vidéos), elles disposaient, dès lors, d’un pouvoir d’attraction. Leur emploi rendait le discours de l’exposition plus attrayant et, in fine, favorisait sa transmission. Ces représentations n’étaient également pas gratuites. Leur caractère hypothétique était systématiquement précisé. Ces mentions sous-entendaient à nouveau que le discours muséal reposait sur un substrat scientifique. Enfin, cette démarche répondait à l’une des ambitions de l’exposition : déconstruire les lieux communs autour des Wisigoths. Ainsi, l’espace d’introduction était enrichi par un exemplaire d’Astérix chez les Goths et les tomes de La saga de Wotila, ainsi qu’une borne vidéo diffusant des extraits de la série télévisée Game of Thrones dans lesquels évoluaient des personnages que l’on qualifierait volontiers de barbares. Ces œuvres illustraient la manière dont l’image des Goths et celle des barbares peuvent être pensées et utilisées dans la culture populaire contemporaine. Autrement dit, les emplois des représentations populaires du Moyen Âge dans l’exposition servaient non seulement à agrémenter le parcours, mais aussi à remettre en cause les clichés qu’elles véhiculaient, à partir d’une approche critique et réflexive.

Un esprit du jeu a traversé le parcours. Ceci se devinait à travers l’usage des représentations médiévales que nous venons de présenter. Il apparaissait également à travers d’autres outils mis à disposition des visiteurs, en particulier le jeune public, mais qui fonctionnaient également avec les plus grands. L’un d’entre eux, un « générateur de nom goths » installé dans la première section, permettait de former des noms germaniques et d’en connaître les significations en actionnant deux cylindres. Dans la quatrième section, le visiteur était invité à découvrir tactilement deux reproductions de crânes pour constater que l’un avait été déformé de façon artificielle, conséquence d’une pratique propre à la société wisigothique.

L’une des belles réussites fut le parcours audioguidé décalé. Son intitulé « let’s goth » en reflète tout le programme. Déconseillé pour certains types de public, il proposait une visite de l’exposition sur un ton humoristique. Les pistes se rapportaient à quelques thématiques et objets exposés. Le narrateur principal, s’adressant directement au visiteur, employait une langue familière, un rythme rapide et un ton désabusé. Ses paroles étaient entrecoupées d’extraits de films ou de séries populaires. L’ensemble avait l’avantage de créer une ambiance singulière tout en proposant une reconstitution de la société wisigothique, à partir de propos comiques et anachroniques assumés. Ceci permettait de saisir l’attention du visiteur. Si la forme du discours tranchait volontairement avec les audioguides classiques, le propos scientifique est néanmoins resté rigoureux. Cette recherche du jeu et de l’amusement nous a semblé réussie, car elle compensait l’austérité visuelle de l’exposition.

En guise de conclusion : une exposition destinée à trois types de public

Finalement, l’analyse comparée de la scénographie et des dispositifs de médiation met en évidence trois niveaux de lecture, correspondant à des publics distincts. La scénographie, même si l’on a pu regretter l’image un peu datée d’un haut Moyen Âge obscure qu’elle renvoyait et son allure parfois monotone, avait l’avantage de ne pas bousculer les amateurs d’expositions d’histoire traitées sous un format académique. Les outils de médiation s’appuyant sur les représentations populaires du Moyen Âge étaient destinés aux publics familiarisés avec cet imaginaire. Ceci a pu compenser les faiblesses scénographiques, en favorisant une expérience de visite placée sous le signe de l’amusement. Le dernier niveau de lecture s’adressait aux plus jeunes. En suivant le « parcours jeune public », ils bénéficiaient de plusieurs dispositifs : un audioguide, une maquette reconstituant la bataille d’Andrinople et, surtout, des panneaux explicatifs, qui se démarquaient par leur couleur dorée et leur hauteur moyenne. Les textes, concis, étaient destinés aux enfants, mais n’importe quel visiteur pour qui l’histoire wisigothique était étrangère pouvait y trouver une première matière à réflexion.

Les commissaires de l’exposition Wisigoths. Roi de Toulouse ont réussi leur double pari : rendre accessible à tous l’histoire de ce peuple mal connu et proposer une image des Wisigoths conforme aux avancées de la recherche. Leur sujet était pourtant ambitieux et nécessitait de déconstruire de nombreux clichés – même s’ils se sont permis d’en reproduire certains, sans doute pour mieux attirer le public. Le discours muséal, malgré quelques petites déceptions, répondait à une approche scientifique rigoureuse, qui aurait pourtant pu être mise à mal par le contexte mémoriel dans lequel s’inscrivait l’événement. Tel ne fut jamais le cas, bien au contraire. On l’aura compris, le parcours de cette exposition a allié divertissement et plaisir intellectuel.

 

 Notes

[1] De mémoire, trois expositions, au moins, ont traité de cette période dans les années 2010 : Le haut Moyen Âge dans le nord de la France. Des Francs aux premiers comtes de Flandre, de la fin du IVe au milieu du Xe siècle, exp., Douai, Musée-parc Arkéos, 2015 ; Austrasie, le royaume mérovingien oublié, Saint-Dizier, Espace Camille Claudel, 2016-2017 ; Les temps mérovingiens, Paris, Musée de Cluny, 2016-2017.

[2] Initialement programmée jusqu’au 27 septembre 2020, l’exposition fut prolongée de deux mois afin de pallier la fermeture du musée due aux mesures de confinement du premier semestre 2020. Malheureusement, le second confinement y a mis prématurément fin, au début du mois de décembre 2020. Nous avons eu la chance de pouvoir la visiter entre ces deux périodes, mais la visite fut marquée par des règles de distanciation sociale qui ont nécessairement eu des conséquences sur notre manière de circuler dans l’espace de monstration, d’apprécier les œuvres et, in fine, de saisir le sens de l’exposition. Il est toujours possible de la visiter sous sa forme virtuelle : https://storage.net-fs.com/hosting/6288905/1/index.htm (consulté en janvier 2021).

[3] Récemment, une hypothèse séduisante sur les limites initiales de ce territoire, sur lequel les Wisigoths exercèrent leur autorité, a été exposée par Delaplace C., La fin de l’Empire romain d’Occident. Rome et les Wisigoths de 382 à 531, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015, p. 174-176.

[4] Des passages faisant implicitement de Toulouse la résidence royale principale des Wisigoths se trouvent dans les Consularia Caesaraugustana (= Chronica Caesaraugustana), 88a, la Chronica gallica a. DXI, 565 et dans les Historiae, II, 37 de Grégoire de Tours. À la fin des années 1980, la mise au jour d’un complexe monumental du Ve siècle à Toulouse, que l’on identifie aujourd’hui comme le probable palais des rois wisigothiques, a étoffé le rôle de cette cité dans notre connaissance de l’histoire gothique. Sur ce complexe monumental, voir en dernier lieu Heijmans M., « La présence des Wisigoths dans les sedes regiae du Midi de la Gaule », Sánchez Ramos I., Mateos Cruz P. (éd.), Territorio, topografía y arquitectura de poder durante la Antigüedad Tardía, actes des Jornadas Spaniae vel Galliae. Territorio, topografía y arquitectura de las sedes regiae visigodas (Madrid 2015), Mérida, Instituto arqueología mérida, 2018, p. 60-63, en part. p. 62-63.

[5] Les commissaires d’exposition ont davantage explicité les raisons qui les ont poussés à élaborer cette manifestation, dans Inrap. Wisigoths. Rois de Toulouse, en ligne : www.inrap.fr/wisigoths-rois-de-toulouse-14902 (consulté en janvier 2021).

[6] Wisigoths. Rois de Toulouse, livret de l’exposition, Toulouse, Musée Saint-Raymond, 2020, p. 5 : « Parce qu[e les Wisigoths] appartiennent aux peuples dits “barbares”, leur histoire est restée dans l’ombre de l’Empire romain. Parce qu’ils ne sont pas les Francs, héros du récit national, les Wisigoths ont été longtemps ignorés par l’archéologie dite “mérovingienne” ».

[7] Ibid. : « Ce sont sans cesse les mêmes clichés qui reviennent : le Barbare apparaît comme un personnage brutal et bestial, ne vivant que par le pillage et la destruction ».

[8] Poulot D., « Le musée des monuments français et la notion de patrimoine », Un musée révolutionnaire. Le musée des monuments français d’Alexandre Lenoir, cat. exp., Paris, Musée du Louvre, 2016, p. 89 ; Grzech K., « La scénographie d’exposition, une médiation par l’espace », La lettre de l’OCIM, n° 96, 2004, p. 6 ; Poulot D., Musée, nation, patrimoine (1789-1815), Paris, Gallimard, 1997, p. 303-304.

[9] Capus P., « Bacchus », Les catalogues numériques du MSR. Les sculptures de la villa romaine de Chiragan, Toulouse, Musée Saint-Raymond, 2019, en ligne : https://villachiragan.saintraymond.toulouse.fr/ark:/87276/a_ra_134_ra_137 (consulté en janvier 2021).

[10] Capus P., « Vénus », ibid., en ligne : https://villachiragan.saintraymond.toulouse.fr/ark:/87276/a_ra_151_ra_114 (consulté en janvier 2021).

[11] Capus P., « Tête de femme », ibid., en ligne : https://villachiragan.saintraymond.toulouse.fr/ark:/87276/a_ra_82 (consulté en janvier 2021).

[12] Il faut toutefois faire remarquer que la dernière section, qui se composait d’un unique panneau résumant les derniers siècles d’histoire wisigothique, ressemblait à un propos conclusif.

[13] Militant notable du mouvement occitaniste, Georges Labouysse a publié l’un des rares livres de vulgarisation sur l’histoire wisigothique en français : Les Wisigoths, première puissance organisée dans l’empire éclaté de l’Occident romain, de la Baltique aux colonnes d’Hercule, de Toulouse à Tolède, huit siècles d’épopée, Portet-sur-Garonne, Loubatières, 2005. Cet ouvrage, focalisé sur la migration et le « royaume wisigothique de Toulouse », dépeint une histoire wisigothique qui valorise Toulouse et le territoire occitan. Pour une réflexion similaire sur le travail d’historien de Georges Labouysse, voir Lespoux Y., « Du “petit Lavisse” au “petit Labouysse” ? Quels outils pour former à l’histoire de l’espace occitan ? », Lengas, n° 83, 2018, § 31, en ligne : https://doi.org/10.4000/lengas.1454 (consulté en janvier 2021).

[14] Wisigoths. Rois de Toulouse, livret de l’exposition, Toulouse, Musée Saint-Raymond, 2020, p. 44.

[15] Ibid., p. 84.

[16] Ibid., p. 46.

[17] En dernier lieu, voir Delaplace C., La fin de l’Empire romain d’Occident. Rome et les Wisigoths de 382 à 531, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015, p. 165-184.

[18] Wisigoths. Rois de Toulouse, livret de l’exposition, Toulouse, Musée Saint-Raymond, 2020, p. 4.

[19] Delaplace C., La fin de l’Empire romain d’Occident. Rome et les Wisigoths de 382 à 531, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015, p. 179 et suiv.

[20] Wisigoths. Rois de Toulouse, livret de l’exposition, Toulouse, Musée Saint-Raymond, 2020, p. 35.

[21] Rouche M., Clovis, suivi de vingt et un documents traduits et commentés, Paris, Fayard, 1996, p. 164, repris dans Delaplace C., La fin de l’Empire romain d’Occident. Rome et les Wisigoths de 382 à 531, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015, p. XII.

[22] Wisigoths. Rois de Toulouse, livret de l’exposition, Toulouse, Musée Saint-Raymond, 2020, p. 10.

[23] Ibid., p. 12.

[24] Ibid., p. 11.

[25] Ibid., p. 14.

[26] Ibid., p. 16.

[27] Cette remise en cause va de pair avec celle du concept d’ethnogenèse – non évoquée dans l’exposition, mais implicite ? – élaborée par Reinhard Wenskus et développée par Herwig Wolfram. Cette notion désigne le processus par lequel à un groupe ethnique porteur d’un « noyau de traditions » (langue, religion, coutumes juridiques, croyance en une origine commune), se seraient agrégés et acculturés d’autres peuples tout au long du parcours migratoire jusqu’à son entrée dans l’Empire romain. Voir en particulier l’ouvrage fondamental de Coumert M., Origines des peuples, les récits du haut Moyen Âge occidental, Paris, Institut d’études augustiniennes, 2007. La première partie est consacrée à une étude critique des récits d’origine des Goths et aux données archéologiques (p. 35-142).

[28] Dumézil B., « Les “invasions barbares” : sources, méthodes, idéologies », Garcia D., Le Bras H. (dir.), Archéologie des migrations, actes du colloque international (Paris, 12-13 novembre 2015), Paris, La Découverte, 2017, p. 246.

[29] Coumert M., Origines des peuples, les récits du haut Moyen Âge occidental, Paris, Institut d’études augustiniennes, 2007, p. 100-101.

[30] Ibid., p. 510.

[31] Par exemple, Becker A. « Ethnicité, identité ethnique. Quelques remarques pour l’Antiquité tardive », Gerión. Revista de Historia Antigua, n° 32, 2014, p. 296-297 ; Delaplace C., La fin de l’Empire romain d’Occident. Rome et les Wisigoths de 382 à 531, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015, p. 29 ; Dumézil B., « Les “invasions barbares” : sources, méthodes, idéologies », Garcia D., Le Bras H. (dir.), Archéologie des migrations, actes du colloque international (Paris, 12-13 novembre 2015), Paris, La Découverte, 2017, p. 246.

[32] On pense à l’intitulé « Peut-on identifier un Wisigoth ? », dans Wisigoths. Rois de Toulouse, livret de l’exposition, Toulouse, Musée Saint-Raymond, 2020, p. 84.

[33] Sur les représentations médiévales dans Kaamelott, voir notamment les études regroupées dans Besson F., Breton J. (dir.), Kaamelott : un livre d’histoire, Paris, Vendémiaire, 2018.

[34] Nous empruntons cette approche du « médiévalisme » appliquée aux musées à Elsa Guyot qui en a proposé une définition plus large dans sa thèse de doctorat, à partir des travaux de Leslie J. Workman et Vincent Ferré. Voir Guyot E., « Les représentations du Moyen Âge au Québec à travers les discours muséaux. Pour une histoire du goût, du collectionnement et de la mise en exposition de l’art médiéval au Québec », Bulletin du Centre d’études médiévales d’Auxerre, vol. 20, n° 1, 2016, § 11 et n. 3, en ligne : http://journals.openedition.org/cem/14378 (consulté en janvier 2021).

 

Pour citer cet article : William Trouvé, "(Dé)construire l’image du Wisigoth. L’exposition Wisigoths. Rois de Toulouse (musée Saint-Raymond, musée d’Archéologie de Toulouse, 2020)", exPosition, 21 septembre 2021, https://www.revue-exposition.com/index.php/articles6-2/trouve-deconstruire-image-wisigoths-toulouse/%20. Consulté le 17 décembre 2025.