Introduction

par Roula Matar

 

Roula Matar, architecte et docteure en histoire de l’art, est maîtresse de conférences en Histoire et Cultures Architecturales à l’école nationale supérieure d’Architecture de Versailles. Ses recherches et publications se consacrent aux croisements des disciplines, notamment aux rapports de l’œuvre d’art à l’architecture, aux xxe et xxie siècles. Sur ce sujet, elle a publié L’Architecture selon Gordon Matta-Clark, aux Presses du réel (2022). Ses recherches récentes portent sur l’histoire des espaces de l’exposition et sur l’histoire de l’architecture du musée. —

Peut-on se servir des vues d’exposition comme sources documentaires pour construire une histoire des espaces de l’exposition ? Cette question a été proposée à la discussion lors de journées d’études et de séances de séminaire organisées à l’école nationale supérieure d’Architecture de Versailles en 2021-2022[1]. Nous avons examiné ces images-archives, en tenant compte de leur statut complexe, pour saisir ce qu’elles peuvent nous dire de l’espace de l’exposition, de sa construction et de son évolution. Nous avons interrogé les vues d’exposition en les considérant notamment comme révélatrices de dispositifs, dans le sens foucaldien, c’est-à-dire comme mettant au jour un « ensemble résolument hétérogène, comportant des discours, des institutions, des aménagements architecturaux, des décisions réglementaires, des lois, des mesures administratives, des énoncés scientifiques, des propositions philosophiques, morales, philanthropiques, bref : du dit aussi bien que du non-dit[2] ». Les vues d’exposition ont ainsi été mobilisées pour saisir ce qui nous intéresse, non pas tant l’objet premier de la photographie mais le rapport de l’objet à l’espace, et plus précisément le cadre de ce rapport et ce qui se révèle sur ces bords.

Les différents temps de réflexions ont choisi de multiplier les points de vue en réunissant diverses positions, de l’historien de l’art à l’archiviste, du commissaire à l’artiste. Quelques réponses à cette large problématique sont réunies dans ce présent numéro volontairement centré sur la critique institutionnelle et ses déplacements depuis son émergence dans les années 1960. Une large place est donnée à la voix des artistes, à leurs recours aux vues d’expositions à différents moments de leur processus de travail ou dans leurs approches critiques et spatiales : elles sont des images d’archives de dispositifs de monstration qui fondent le travail de Wesley Meuris sur les politiques de présentation et infrastructures des institutions ; elles irriguent et construisent un large corpus de travaux de Simon Starling qui, au gré des répliques et reconstructions, interrogent les mécanismes du musée et de l’exposition ; elles constituent un inventaire exhaustif de la présence végétale méticuleusement relevée par Inge Meijer dans les archives du Stedelijk Museum d’Amsterdam ou du MoMA à New York. À ces usages répondent ceux du ou de la commissaire qui, comme Marie Fraser, à l’occasion de la reconstitution de l’exposition The Responsive Eye tenue au MoMA en 1965, se penche sur les archives visuelles de cet événement, tandis que l’archiviste Pascal Riviale expose ce que montrent les archives visuelles des innovations menées par le MNATP, tant dans ses études que dans son approche muséographique. Enfin, parallèlement au séminaire, s’est tenue l’exposition Le Grand atlas de la désorientation de Tatiana Trouvé dans la Galerie 3 du Centre George Pompidou à Paris. Dans le prolongement de notre réflexion, je me suis entretenue avec l’artiste sur le sujet des espaces de l’exposition puisque celui-ci fait partie intégrante de la définition même de son travail.

Je tiens à remercier les membres du comité scientifique du séminaire, l’ensemble des intervenant·es aux journées d’études et au séminaire pour leurs contributions[3] et les moments de partage – Yvonne Bialek, Marie Fraser, Giulia Gabellini, Audrey Ilouz, Wesley Meuris, Constance Nouvel, Yusuke Offhause, Rémi Parcollet[4], Jean-Marc Poinsot, Pascal Riviale, Nathalie Simonnot, Simon Starling, Tatiana Trouvé et Richard Venlet. Pour leur soutien, je remercie également l’équipe de La Maréchalerie, Valérie Knochel sa directrice ainsi que Sophie Peltier et Simon Poulain, le LéaV laboratoire à l’ENSA Versailles, ainsi que le bureau de l’Enseignement et de la Recherche (BER) du ministère de la Culture.

 

Notes

[1] Ce projet de recherche s’est déroulé sous la forme d’un cycle de trois demi-journées d’études, des débats Manèges, organisés à l’automne 2021 en partenariat avec le centre d’art La Maréchalerie (cf https://tram-idf.fr/maneges-2021-la-marechalerie/), et s’est poursuivi par séminaire au printemps 2022.

[2] Foucault M., « Le Jeu de Michel Foucault », Dits et écrits. Vol. II : 1976-1988, Paris, Gallimard, 2001 (1994), p. 299.

[3] Pour diverses raisons, l’intervention de Jean-Marc Poinsot, initialement prévue dans ce numéro, et consacrée à la reconstruction de l’Atelier londonien de Francis Bacon à la Dublin City Gallery n’a pu être intégrée au sommaire. Elle peut être lue dans son dernier ouvrage Notes sur l’exposition et ses acteurs (Éditions Hermann, 2023), dans le chapitre 5 intitulé « L’exposition comme machine interprétative » aux pages 99-103.

[4] Les recherches menées par Rémi Parcollet sur les vues d’expositions ont nourri notre séminaire. Voir notamment l’ouvrage qu’il a dirigé sur ce sujet, Photogénie de l’exposition, Manuella éditions, 2018

Pour citer cet article : Roula Matar, "Introduction", exPosition, 2 juin 2025, https://www.revue-exposition.com/index.php/articles10/matar-introduction/%20. Consulté le 15 juin 2025.

9/2024 – L’éco-responsabilité dans les pratiques d’exposition – Varia

 

L’éco-responsabilité dans les pratiques d’exposition (dossier dirigé par Pierre-Vincent Fortunier et Sophie Montel)

– Pierre-Vincent Fortunier et Sophie Montel, Introduction

– Céline Schall, L’écoresponsabilité des expositions : au-delà des mesures techniques, une révolution axiologique

– Anaïs Raynaud et Marjolaine Schuch, Quitter la neutralité pour mieux l’atteindre ? L’exemple de l’exposition Empreinte carbone, l’expo ! au musée des Arts et Métiers (Paris, 2024-2025)

– Tony Fouyer, L’exposition en réseau. Une solution éco-responsable à développer ?

– Mélanie Esteves et Christelle Faure, Écoconcevoir au palais des Beaux-Arts de Lille : de l’expérimentation à la structuration d’une démarche opérationnelle

– Tony Fouyer et Isabelle Lainé, Réemployer les matériaux et le mobilier scénographique. Du musée du quai Branly – Jacques Chirac au musée municipal de Bourbonne-les-Bains

– Benjamin Arnault, Notes sur les apports écologiques d’œuvres allographiques

 

Varia

– Yoshiko Suto et Frédéric Weigel, L’histoire mouvementée du Palais des paris (Gunma, Japon). Un entretien mené par Caroline Tron-Carroz

 

8/2023 – Varia

Numéro dirigé par Hélène Trespeuch

 

– Opêoluwa Blandine Agbaka, De la restitution à la réappropriation : Art du Bénin d’hier et d’aujourd’hui (Cotonou, 2022), une exposition inédite dans l’univers muséal béninois

– Camille Béguin, Le média exposition et le chercheur en sciences sociales : pourquoi écrire la recherche en trois dimensions ?

– Christine Godfroy-Gallardo, Les expositions de tableaux en plein air avant le Salon de 1737

– William Terrier, Au crépuscule d’un clivage. Réflexions autour d’une exposition de l’Architectural League of New York (1940)

 

 

6-2 /2021 – Doublement exposée – Varia

Introduction

– Christine Bernier, Théories et pratiques de l’exposition : relire Double Exposures de Mieke Bal

Doublement exposée (dossier dirigé par Christine Bernier)

– Mieke Bal, Entretien avec Itay Sapir

– Quentin Petit Dit Duhal, Exposer ORLAN ou donner à voir le corps hybride. Étude d’une expographie numérique et interactive

– Mélina Ramondenc, Ce que l’exposition fait à l’architecture. Le cas de la collection de projets d’architectes prospectifs du Frac Centre-Val de Loire

– Nadya Rouizem Labied, Des architectures de terre : itinérance et valeur démonstrative d’une exposition

– Gaëlle Crenn, L’itinérance comme médiation. Le cas de l’exposition Amazonie, le chamane et la pensée de la forêt (musée d’Ethnographie de Genève, 2016 ; musée de Pointe-à-Callière, Montréal, 2017)

– Jeanne Artous,  Sculpture originale et reproduction tactile. Retour sur l’exposition itinérante L’art et la matière : prière de toucher

– Ariane Noël de Tilly, Sans titre (les ripostes de Klaus Scherübel) 

– Mickaël Pierson, Pierre Huyghe : l’exposition qui n’existait pas

– Julie Graff, Double regard sur l’art inuit. L’exposition de l’art inuit au Musée des Beaux-arts de Montréal au prisme des transferts épistémologiques

Varia

– William Trouvé, (Dé)construire l’image du Wisigoth. L’exposition Wisigoths. Rois de Toulouse (musée Saint-Raymond, musée d’Archéologie de Toulouse, 2020)

6-1/2021 – Doublement exposée – Varia

Introduction

– Christine Bernier, Doublement exposée ou l’héritage théorique de Mieke Bal

Doublement exposée (dossier dirigé par Christine Bernier)

– Katrie Chagnon, Exposer les peuples, s’exposer aux peuples : les Soulèvements de Georges Didi-Huberman entre Paris et Montréal

– Ivana Dizdar, Camp en mouvement de Versailles au Met : Élisabeth Vigée Le Brun et Marie-Antoinette

– Florence-Agathe Dubé-Moreau, Reprendre en écho(s). Effets et enjeux de la reconstitution d’exposition sur le champ muséologique

– Marie J. Jean, Le Salon de Fleurus : la métahistoire d’une exposition

– Karine Bouchard, L’architecture aurale des lieux d’exposition, du Met Cloisters au MoMA. Glissements et mutations de l’expérience de l’œuvre sonore

– Maki Cappe, Poser, exposer, réexposer : transformation des regards à/sur l’œuvre

Varia

– Inès Chiab, La rétrospective suisse de Martin Barré : quand l’espace d’exposition se fait pleinement peinture